C. Alimentation fonctionnelle

C2. Allergies et intolérances alimentaires : effet préventif des polyamines (spermine et spermidine) ingérées


Prof. G. Dandrifosse, ULg - Sart Tilman, Faculté de Médecine, Bioch. et Physiol. gén.,
Institut de Chimie, 4000 Liège

Le projet de recherche, que nous avons tenté de mener à bien, comportait les tâches suivantes :

1. Détermination du contenu en polyamines de laits artificiels, humains et animaux.
2. Étude de l'effet de l'ingestion de polyamines (spermine, putrescine) sur la maturation du pancréas et du foie.
3. Étude de l'effet de l'ingestion de putrescine sur la maturation de l'intestin.
4. Mesure de la vitesse du transfert de protéines à travers l'intestin de rats adultes ou de rats non sevrés traités ou non à la spermine.
5. Étude de l'influence de polyamines contenues dans le lait sur la perméabilité intestinale aux protéines chez des enfants prématurés ou non.
6. Analyse de l'ontogenèse du système immunitaire muqueux chez le rat non sevré ingérant ou non des polyamines.
7. Effets de l'ingestion de polluants alimentaires par la rate allaitante sur des paramètres caractérisant l'intestin et le foie des ratons.
8. Analyse du mécanisme d'action de la spermine.
9. Étude épidémiologique.
10. Action curative de l'ingestion de polyamines vis-à-vis de l'intensité des réactions présentées par des patients souffrant d'allergies alimentaires.

Les tâches 9 et 10 ont été ajoutées pendant la réalisation du projet de recherche.

Les résultats et conclusions principaux suivants ont été obtenus :

L'ingestion de putrescine ne modifie pas le degré de maturation de l'intestin chez le rat. Par contre, la prise orale de spermine induit ce phénomène chez cet animal. Ce résultat a été confirmé par deux la boratoires indépendants du nôtre. Ainsi, l'addition de spermine à l'alimentation des rats non sevrés contrôle la perméabilité de l'intestin aux macromolécules. Cette observation a été vérifiée par un laboratoire différent du nôtre. L'ingestion de spermine provoque la maturation du foie et du pancréas. Elle module des propriétés immunitaires. Ces résultats sont tous en faveur de l'hypothèse suivant laquelle la spermine alimentaire pourrait jouer un rôle préventif de l'apparition des allergies alimentaires.

Cette dernière hypothèse est en cours de vérification.

Ainsi, la concentration en polyamines du lait humain a été mesurée chez 60 femmes pendant une période s'étendant depuis la première semaine de lactation jusqu'au 6ème mois de celle-ci. La concentration en polyamines de 18 poudres de lait pour bébé a été déterminée. Les contenus en spermine et en spermidine de ces poudres sont nettement plus faibles que ceux du lait humain. Ces conclusions ont été vérifiées par quatre laboratoires étrangers. Comme on a montré que la fréquence des allergies alimentaires est plus grande chez les bébés ayant reçu du lait en poudre que chez les autres bébés, ces résultats confortent l'hypothèse suivant laquelle la spermine et la spermidine ont un effet protecteur vis-à-vis de ces affections.

Nous avons entrepris une étude de la perméabilité intestinale à l'a-lactalbumine chez des bébés recevant du lait soit riche, soit pauvre en polyamines. Les résultats obtenus prouvent que la perméabilité aux macromolécules des bébés nourris au lait maternel est différente de celle des bébés nourris au lait artificiel. Ils suggèrent également que cette perméabilité est influencée par l'addition de spermine et de spermidine au lait en poudre.

Une étude épidémiologique a été organisée. Nous n'avons pu l'effectuer qu'à petite échelle. En conséquence, les résultats obtenus ne permettent pas de formuler de conclusions formelles. Seule une tendance (non significative) confirme que les enfants nourris au lait en poudre sont plus souvent allergiques que les autres et indiquent que les enfants ayant reçu du lait maternel riche en polyamines sont moins souvent allergiques que les enfants ayant ingéré un lait maternel pauvre en polyamines.

Nous avons aussi entrepris l'examen de l'effet de la spermine et de la spermidine sur la différenciation et la prolifération de lymphocytes (isolés à partir d'amygdales prélevées chez de jeunes enfants à des fins thérapeutiques) cultivés in vitro soit en présence, soit en l'absence d'un allergène alimentaire. Les observations réalisées prouvent que la spermine stimule la prolifération et la différenciation de lymphocytes T isolés et cultivés en présence de phytohémagglutinine L.

Par ailleurs, chez le rat, le mécanisme d'action de la spermine au niveau de l'intestin, du foie et du pancréas a fait l'objet de nombreux travaux. Cette substance agit soit directement sur les entérocytes, soit indirectement sur ceux-ci et sur des cellules du foie et du pancréas (activation de la sécrétion d'ACTH, de corticostérone et de cytokines). Dans nos conditions expérimentales, la spermine administrée aux ratons n'induit pas de lésion cancérogène.

Afin d'étudier l'action curative de l'ingestion de polyamines vis-à-vis de l'intensité des réactions présentées par de patients souffrant d'allergies alimentaires, nous avons mesuré la perméabilité intestinale aux macromolécules chez des enfants souffrant de différentes maladies intestinales. Dans ce but, des "pellets" (granulés) gastro-résistants contenant de l'a-lactalbumine humaine ont été préparés. Les résultats préliminaires obtenus montent que la technique de mesure de la perméabilité intestinale aux macromolécules, mise au point en utilisant ces pellets, permet de confirmer l'existence d'une allergie alimentaire chez l'enfant et de suivre le traitement appliqué.

L'ensemble de ces résultats et d'autres non cités ci-dessus indiquent qu'il est très probable que la spermine et la spermidine soient des agents préventifs des allergies alimentaires. Néanmoins, avant de proposer d'ajouter ces substances aux laits en poudre pour bébés ou d'augmenter la concentration du lait maternel en ces substances, il est essentiel d'appuyer nos conclusions par une étude internationale impliquant une masse critique suffisante de laboratoires indépendants.


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