LES JURIDICTIONS ADMINISTRATIVES: JURIDICTIONS DISCIPLINAIRES, DEPUTATIONS PERMANENTES ET CHAMBRES DE RECOURSProf. dr. L. Huyse, H. Sabbe, G. Van der biesen, B. Vanneuville, M. Verbruggen, KU Leuven
Dans le cadre du programme 'Citoyen et protection juridique', l'Institut 'Recht en Samenleving' (Droit et Société) de l'Université Catholique de Leuven a étudié l'organisation et le fonctionnement de trois groupes de juridictions:-les juridictions disciplinaires
-les députations permanentes
-les chambres de recoursCi-dessous on a résumé, pour chaque groupe, les résultats de cette étude. Au paragraphe traitant les chambres de recours, on a ajouté un petit exposé des tribunaux de travail, héritiers de la compétence des chambres de recours (la loi Onkelinx, en vigueur depuis le 1 mars 1993). En guise de conclusion sont présentées quelques constatations générales concernant l'ensemble de ces trois groupes.
1. Les juridictions disciplinaires (JD)Chaque métier a ses propres règles et usages. De plus, certaines catégories professionnelles ont des juridictions spécifiques, veillant à ce que les professionnels en question respectent ces 'codes'.
Ce sont les JD qui ont été créées pour les professions suivantes: médecin, pharmacien, vétérinaire, avocat, notaire, huissier, architecte, expert-comptable, réviseur d'entreprise et agent immobilier.
Les juges disciplinaires relèvent de la même catégorie professionnelle que l'accusé (sauf en deuxième instance où siègent de plus un ou deux magistrats).
Le législateur n'est pas parti d'un plan bien déterminé pour la création de ces diverses JD. De considérables différences d'organisation, de compétence et de procédure en sont le résultat.
L'organisation disciplinaire est toujours très hétérogène. Dans certaines catégories professionnelles, le pouvoir juridictionnel d'une JD ne s'étend que sur un arrondissement judiciaire ou une province; d'autres JD ont un pouvoir juridictionnel qui s'étend sur tout le territoire national, ce qui favorise évidemment l'uniformité de la jurisprudence.
Le nombre de professionnels soumis au pouvoir juridictionnel d'une JD est aussi varié. Le conseil provincial des médecins du Brabant wallon a 7.700 membres; la chambre d'arrondissement des huissiers de Neufchâteau en a 5. Sans doute ces différences influencent la portée et l'intensité du contrôle exercé sur les professionnels.
D'autres variations se manifestent dans l'ensemble de tâches, attribuées aux JD. A côté de la mission disciplinaires, on voit, selon le cas, des tâches administratives, consultatives, organisatrices (admission à la profession) et même normatives. Parfois le pouvoir juridictionnel n'est qu'une compétence accessoire.
D'ailleurs, il n'est pas facile de déterminer le pouvoir disciplinaire. Ratione personae, il n'y a pas de problème: le pouvoir des JD ne s'étend qu'aux membres de la catégorie professionnelle en question. Ratione materiae, on constate beaucoup plus d'incertitude: les JD veillent à ce que les professionnels ne négligent pas leurs 'devoirs professionnels'. Mais cette notion n'est que rarement spécifiée ou délimitée. Un médecin, par exemple, sera plus souvent sanctionné pour une infraction au code de la route que pour une mauvaise intervention chirurgicale. Un avocat risque d'être critiqué pour fraude aussi bien que pour avoir joué au casino. Bref, chaque comportement professionnel ou non-professionnel, semble être visé par les autorités disciplinaires.
Le législateur n'a même pas pris soin d'un minimum d'uniformité quant à la procédure disciplinaire. D'ailleurs, les quelques dispositions légales sont peu considérables. Par conséquent, les JD ont élaboré leurs procédures elles-mêmes, basées sur des principes traditionnels comme la discrétion et l'honnêteté. Dans les années '80 toutefois, la Cour Européenne des Droits de l'Homme remettait en question la spécificité de la procédure disciplinaire en appliquant, de façon nuancée, l'article 6,1 de la Convention Européenne des Droits de l'Homme: les principes de discrétion et d'honnêteté devaient faire place à la publicité et aux droits de la défense. En d'autres mots, la protection juridique en droit disciplinaire est devenu un impératif concret au lieu d'un idéal qu'on essayait d'approcher. L'article 6,1 a contribué à la formalisation et l'uniformisation des procédures disciplinaires. Dès lors, ces procédures répondent de plus en plus à un plan uniforme pour toutes les catégories professionnelles.
Un procès disciplinaire peut être intenté d'office par l'autorité disciplinaire, bien que la recherche des délits ne soit pas organisée. Si la relation entre le professionnel et l'ordre professionnel est suffisamment contrôlé, les relations des professionnels entre eux-mêmes et entre le professionnel et son client ne le sont pas. Cette absence de contrôle est compensé par le droit accordé aux confrères, au parquet, aux clients et même aux tiers d'introduire un recours en déposant une plainte.
Il n'en est pas moins vrai qu'une belle quantité de fautes professionnelles échappent au jugement des JD. Le client surtout, n'est pas familiarisé avec la procédure et ne se sert que rarement de son droit de saisine. Il y a plusieurs raisons. Le client ne vérifie guère si un comportement nuisible constitue une faute professionnelle ou non. Souvent il ne se rend pas compte de l'existence des JD ou il n'en a qu'une vague notion. L'importance de sa plainte lui paraît réduite: la procédure disciplinaire ne vise pas la réparation financière ou matérielle. Surtout: il se méfie de ces JD dont les juges ne sont que les confrères de son 'adversaire'.
Le plus souvent l'enquête sera entamée par le président de la JD. Il prend connaissance de la plainte et décide discrétionnairement d'aller aux renseignements. La nature et la portée de ses activités, particulièrement après la plainte d'un client, restent obscures tant qu'il n'a pas soumis l'affaire au bureau ou au conseil disciplinaire. D'ailleurs, il n'est pas rare qu'il règle l'affaire lui-même. Le président se présente donc comme filtre souverain des affaires qui seront soumises à la JD proprement dite. Ainsi la procédure formelle est subtilement arrondie, ce qui complique d'ailleurs l'approche statistique de la jurisprudence disciplinaire. On peut s'imaginer une JD n'ayant traité aucune affaire, le président en réglant plusieurs dizaines.
Supposons quand même que le Conseil disciplinaire soit saisi. Là une procédure-standard se déroule, respectant les droits de la défense: le professionnel pourra prendre connaissance de son dossier, s'assurer de l'assistance d'un conseiller et se défendre en audience publique. De plus il pourra user les voies de recours (mis à part les notaires).
Cette nouvelle procédure disciplinaire garantit la protection juridique du professionnel accusé, dans la mesure où il s'agit d'une mesure disciplinaire sévère. L'article 6,1 ne s'applique pas aux sanctions purement morales, dites légères. On peut constater d'autres défauts dans la protection juridique. On a déjà mentionné l'absence de définition de la notion vague de "devoir professionnel". Pire: quant à la peine, le juge dispose d'une aussi grande liberté de choix (de la réprimande à l'interdiction professionnelle). La sécurité juridique paraît donc douteuse.
D'ailleurs, il ne faut pas attendre trop de l'article 6,1 . Ainsi la procédure se déroule à porte ouverte, mais trop souvent, cela n'a qu'une importance symbolique. Le professionnel pourrait même préférer le traitement de l'affaire à huis clos...
Cette protection juridique imparfaite du professionnel est néanmoins beaucoup plus complète que celle du client demandeur. En pratique, ce client n'a qu'un seul droit: déposer la plainte. Il n'a pas de droit de regard ni le droit d'être entendu. Il ne peut pas vérifier si sa plainte est prise en considération. La JD ne doit même pas notifier la décision. Evidemment les voies de recours ne sont pas à sa disposition. Bref, le client n'est pas considéré comme partie au litige. On a l'impression que le droit disciplinaire ne sert que la catégorie professionnelle et non point le client ou la société. Une plus grande bienveillance à l'égard du client favoriserait le crédibilité et la transparence du droit disciplinaire.
De plus, l'étude a démontré la réserve des JD quand un professionnel se voit confronté à son client. Il n'est que rarement sanctionné pour prestations de moindre qualité: il n'y a pas trop de normes techniques, il y a parfois la liberté thérapeutique et sans doute les juges hésitent à critiquer la capacité professionnelle de leurs confrères. Une participation plus substantielle du client à la procédure pourrait remédier à ce pauvre contrôle de qualité.
2. La députation permanente (DP) en tant que juridiction fiscaleLes 589 communes belges, ainsi que les 9 - bientôt 10 - provinces, peuvent depuis toujours établir des impôts. Elles se sont servies de cette compétence d'une manière assez créative: ordures, logements inoccupés, balcons, chiens, poneys, bals populaires... bref: tout ce qu'on peut imaginer risque d'être fiscalisé par les autorités locales et provinciales. Le plus souvent il s'agit d'un montant relativement réduit, ce qui n'empêche les contribuables d'introduire près de 50.000 réclamations par an auprès de la DP. Celle-ci a une riche tradition en tant que juridiction administrative. Elle a encore l'attribution d'un contentieux varié: élections communales et CPAS, ...
De longue date, la DP s'occupe d'une partie du contentieux des taxes locales et provinciales. En 1986, le législateur, en modernisant ce contentieux, l'a attribué entièrement à la DP.
Quelques mois plus tard le législateur rajustait la procédure devant la DP, dans les cas où elle exerce une mission juridictionnelle, en vue d'une meilleure protection juridique au sens de la Convention Européenne des Droits de l'Homme. Cette considération des droits de l'homme avait pour conséquence la formalisation de la procédure. Celle-ci se résume ainsi: le contribuable adresse une requête à l'administration provinciale, qui lui délivre accusé de réception. Le greffier provincial transmet une copie de la requête à la partie adverse (commune ou province); ensuite chaque partie peut déposer un mémoire. Les parties et leurs avocats peuvent présenter des observations orales à l'audience publique. La DP est compétente pour ordonner une enquête. Finalement, dans les six mois qui suivent l'accusé de réception, la DP rend sa décision, définitive et motivée, en audience publique.
Pour autant que la valeur de la demande atteigne au moins 10.000 francs, la décision de la DP peut faire l'objet d'un recours devant la cour d'appel. Il ne reste qu'un pourvoi en cassation si la cour d'appel n'est pas compétente.
Cette procédure s'inspire de celle du Conseil d'Etat. Pour les taxes locales et provinciales, elle s'est avérée trop 'lourde'. La première victime en est l'administration provinciale, qui est supposée l'appliquer aux 50.000 requêtes; évidemment dans le délai prévu. Ironiquement, cette procédure formelle n'est guère adéquate ou nécessaire. Plusieurs réclamations ne sont qu'une demande d'information. D'autres concernent une erreur matérielle (p.e. taxe sur un chien mort depuis longtemps...). Chaque administration provinciale écarte ce genre de réclamations du contentieux, en utilisant des techniques administratives ou simplement en adressant une lettre au requérant après quoi le dossier est clos.
Ces réclamations écartées, on constate que les 'vrais' litiges sont 'rari nantes in gurgito vasto'. Même pour ce contentieux 'filtré', les administrations ont fait l'essai de procédures informelles et simplifiées, visant à éliminer les formalités trop lourdes de la contradiction. Ainsi, on 'oublie' de communiquer le mémoire de la commune au requérant, on 'oublie' l'audience publique... Parfois l'administration sollicite le consentement (tacite) du requérant, mais le plus souvent elle décide arbitrairement de ne pas suivre la procédure légale. Cette situation est justifiée par l'administration en alléguant que le requérant s'intéresse moins au débat contradictoire qu'au délai.
Cependant le requérant risque d'être déçu sur ce point: malgré la créativité procédurale, les décisions rendues dans le délai légal de 6 mois sont assez rares. De même les autres buts du législateur sont négligés en pratique. Les droits de la défense sont appliqués de façon arbitraire. Le principe d'égalité est systématiquement écarté. Somme toute, la DP n'exerce sa mission juridictionnelle que de temps en temps: en pratique, elle a laissé le contentieux des taxes locales et provinciales aux soins de l'administration.
Autre constatation: la DP ne semble pas tout à fait impartiale. En matière de taxes provinciales, elle est juge et partie en même temps. Parfois il en est de même en matière de taxes communales. Enfin, la DP étant un organisme politique, son indépendance n'est pas garantie.
Le législateur lui-même est coupable de la partialité structurelle: sans doute on trouve là une dissonance grave dans la législation de 1986-87, qui était supposée améliorer la protection juridique.
En résumé, on peut dire qu'il y a divorce entre la théorie et la pratique. La sécurité ni la protection juridique ne sont pas garanties de façon absolue. L'étude a néanmoins révélé qu'une application rigoureuse des dispositions légales n'est pas toute la solution, au moins dans ce contentieux. La protection du contribuable pourrait se réaliser tout autrement, par des interventions moins répressives que préventives.
Une partie considérable du contentieux prend naissance, de façon structurelle, dans la 'phase pré-juridictionnelle'. Un peu plus d'exactitude et d'uniformité au moment de l'établissement de la perception des taxes, pourrait réduire le contentieux à la source même. L'établissement d'une taxe générale, par exemple, se présente comme un instrument efficace, favorisant e.a. l'uniformité et la transparence.
A côté de cette intervention préventive dans la phase pré-juridictionnelle, on recommanderait une deuxième réduction du contentieux: la 'dé-juridictionnalisation', par exemple en rendant obligatoire le recours préalable auprès de l'autorité qui a imposé la taxe litigieuse.
Les réductions prévues ne feront jamais disparaître le contentieux tout entier. Ce 'noyau dur' de litiges ne peut être attribué qu'à une juridiction indépendante et impartiale, tenue par les principes généraux de droit judiciaire. De sorte qu'on doit mettre en question le rôle de la DP: cet organisme politique n'a pas vocation à exercer une mission juridictionnelle. Quelle est donc la juridiction la plus qualifiée pour prendre sa place? Il nous paraît que cette question s'inscrit dans le débat sur la réforme éventuelle du contentieux administratif.
3. Recours contre les décisions des CPASLe pouvoir public doit permettre à chacun de mener une vie conforme à la dignité humaine. Cette philosophie est à la base des lois sur le minimex et l'aide sociale.
Le minimex est attribué à tout Belge ayant atteint l'âge de la majorité civile, qui a sa résidence effective en Belgique et ne dispose pas de ressources suffisantes, ainsi qu'aux ressortissants de la CEE, apatrides et réfugiés remplissant les mêmes conditions que les Belges. Il s'agit d'un montant fixe. L'octroi et le paiement du minimex ont été confiés aux CPAS. Le recours contre les décisions des CPAS en matière de minimex est porté devant les tribunaux de travail (TT).
Toute personne a droit à l'aide sociale. Celle-ci peut prendre la forme d'aide financière, matérielle ou immatérielle. On a laissé l'aide sociale aux soins des CPAS. Le recours contre les décisions en matière d'aide sociale était porté devant les Chambres de Recours (CR), jusqu'au 1 mars 1993. Au cours des années '80, ces juridictions administratives ont traités près de 26.000 réclamations.
Le 1 mars 1993, les tribunaux de travail ont hérité de cette (seule) compétence des CR. Celles-ci ayant disparu, il est néanmoins utile d'évaluer leur fonctionnement: cette évaluation pourrait servir comme point de départ de l'étude des tribunaux de travail (TT).
Au cours des années '80, les CR étaient devenues l'objet d'une discussion. La dualité des voies de recours (contre les décisions des CPAS) était sévèrement critiquée. Le justiciable en était troublé: trop souvent il saisissait erronément la juridiction incompétente.
Les CR étaient composées d'un président (magistrat) et de 4 personnes spécialisées en matière d'aide sociale. Toutes étaient nommées pour 6 ans.
Le fonctionnement des CR variait énormément selon la CR en question, autant que le principe d'égalité semblait éliminé. L'absence d'une juridiction supérieure aux CR a sans doute favorisé cette situation.
Le caractère non exécutoire de la décision constituait un autre danger. L'exécution de la décision dépendait de la seule bienveillance du CPAS.
La critique la plus sévère visait la durée de la procédure. La durée moyenne s'élevait à 114 jours, presque deux fois le délai prescrit (60 jours). L'afflux de requérants diminuant dès 1985, le retard était malgré tout toujours en hausse. On discernait plusieurs raisons: les différents délais de procédure n'étaient pas sanctionnés; les CPAS déposaient le dossier beaucoup trop tard; entre la décision et sa signification, le délai était déraisonnablement long. L'absence de coopération de la part des CPAS (en ralentissant la procédure) était souvent la conséquence d'une attitude réservée vis-à-vis des étrangers. Plusieurs de ces étrangers, notamment les candidats-réfugiés, n'ont pas droit au minimex, mais bien à l'aide sociale. L'afflux de candidats-réfugiés 'menaçant' leur budget, les CPAS utilisaient les CR pour retarder leurs devoirs financiers envers les candidats-réfugiés. Ceux-ci n'attendaient que rarement la décision de la CR; le plus souvent ils se dirigeaient vers une autre commune dans l'espoir d'y trouver un CPAS plus généreux.
En attribuant la compétence des CR aux TT, le législateur à voulu remédier à cette situation. La dualité des voies de recours, source de confusion, était supprimée.
La procédure devant les TT est réglée de façon assez minutieuse. De plus, il y a les cours du travail, veillant à l'uniformité de la jurisprudence et de la procédure, de sorte que les différences d'organisation et de procédure ont tendance à disparaître.
A l'opposition des décisions des CR, les jugements des TT sont exécutoires (théoriquement). Les règles de procédure des TT surtout, se portent plus ou moins garantes d'un traitement rapide de l'affaire. Selon les TT, la durée moyenne de la procédure se situe entre 6 semaines et 2 mois. Nonobstant l'uniformité relative de la procédure, on a pu constater que la durée dépend de l'attitude du TT - tant le greffe que l'auditorat et le juge - notamment vis-à-vis d'un CPAS 'fainéant'. Certains TT sont assez tolérant sur ce point. L'auditorat à son tour semble entravé par son pouvoir trop limité: l'auditeur a le droit de se faire communiquer tous documents et renseignements utiles. Cependant il ne peut pas faire une enquête lui-même. Par conséquent, la procédure devant les TT demeure toujours dépendante du CPAS.
4. ConclusionsLes JD, DP et CR s'inscrivent dans l'ensemble des juridictions administratives. Moins que les tribunaux judiciaires, ces juridictions administratives se croient tenues par les règles de procédure. Il en est de même pour les trois juridictions étudiées: elles sont parvenues à une certaine souplesse au niveau de la procédure.
Cette 'nonchalance' est justifiée par les besoins de la pratique. Le nombre démesuré de réclamations (notamment auprès des DP et des CR) a rendu inefficace les procédures légales, de sorte qu'on ait dû faire le choix entre efficacité d'une part, orthodoxie procédurale d'autre part...
Cette explication ne suffit pas. Même des juridictions peu sollicitées ont tendance à assouplir les scénarios légaux. Le peu de considération des règles de procédure a donc une autre cause. Probablement les juridictions administratives ne se prennent pas vraiment pour des 'juridictions'. Quant aux JD et aux DP, c'est plutôt logique: la mission juridictionnelle n'est qu'une fraction de leurs compétences (politiques, administratives, consultatives, organisatrices...). Souvent elles considèrent dès lors le pouvoir juridictionnel comme une compétence secondaire dont les 'détails' (comme la procédure) sont de moindre importance. Parfois elles confondent les traits caractéristiques des compétences distinctes : le député qui passe les journées à présider des réunions politiques ou administratives, pourrait avoir tendance à appliquer les techniques de réunion à la séance publique où sont traités les litiges fiscaux.
Cette accumulation de compétences n'existait pas au niveau de la CR. Cette juridiction n'avait qu'une seule compétence. Pourtant les CR manifestaient la même souplesse procédurale. Ce n'est point surprenant: elles appartenaient au pouvoir exécutif - sans pour autant prendre part à l'administration active. Elles se prenaient moins pour une juridiction que pour un appendice de cet organe administratif chargé de l'aide sociale (le CPAS).
Le manque de respect pour les règles de procédure s'explique aussi par la nature du juge administratif. Le plus souvent il s'agit d'un juge laïque. Le député est un homme politique élu. Quant aux CR, les juges étaient des spécialistes en matière d'aide sociale et non pas des juges professionnels - le président mis à part. Les juges disciplinaires sont le plus souvent des praticiens, sauf en deuxième instance où siègent en plus un ou deux magistrats. A cause de sa formation et de son expérience juridique, le magistrat reconnaît l'importance de la procédure. Le juge laïqu,e par contre, donnera la préférence à la solution juste du litige concret.
La souplesse procédurale de la part des juridictions administratives n'est pas moins la conséquence de leur autonomie relative: le législateur n'a pas montré trop de zèle en cette matière. Le droit judiciaire commun par contre est élaboré beaucoup plus minutieusement. Souvent les juridictions administratives n'ont fait que profiter de cette autonomie, même si parfois elles en ont élargi le champ.
Cette souplesse semble n'avoir que peu de limites. De temps en temps, l'application des règles de procédure dépend de critères aussi élastiques qu'arbitraires : le statut du requérant, l'importance financière du litige, la volonté ou l'absence de volonté des parties, la juridiction compétente... Bref, la souplesse menace l'uniformité, la sécurité et l'égalité juridique. Cette situation a inspiré plusieurs réformes récentes qui visent expressément à favoriser la protection juridique.
Ainsi le législateur a décidé de mettre fin au fonctionnement des CR et d'attribuer leur compétence aux tribunaux du travail - qui fait partie du pouvoir judiciaire.
A l'occasion de la réforme du contentieux de taxes locales et provinciales, le législateur a tranché en faveur d'un juge administratif, la députation permanente. Toutefois la députation s'est vue imposer une procédure garante de la protection du contribuable.
Le mouvement réformateur n'a pas oublié les JD. Le signal du départ étant donné par la Cour Européenne des Droits de l'Homme, le législateur a pris le relais par la suite. Le but principal était la meilleure protection du professionnel.
Ces nouvelles règles de procédure, garante de la protection juridique, sont imposées aux juridictions administratives (JD et DP). Celles-ci n'en avaient pas besoin et s'avéraient plutôt hostiles à ces nouvelles règles inefficaces, inutiles et menaçant leur spécificité. Tant les DP que les JD ont continué à fonctionner de façon souple. Les diverses procédures informelles et alternatives n'ont pas disparu en pratique.
L'application rigoureuse des procédures nouvelles ne peut guère être garantie. De plus, ce n'est pas la véritable solution du problème. Les principes généraux de droit judiciaire n'ont pas l'exclusivité de la protection juridique (la protection juridique se présente comme le but, le droit judiciaire comme un moyen de l'atteindre). Souvent le professionnel demande le traitement informel et discret de son affaire. Souvent le contribuable préfère une procédure simplifiée. En effet, les principes de droit judiciaire ne s'avèrent pas toujours adaptés aux spécificités du contentieux. Il vaut mieux en tenir compte, ce qui n'empêche qu'une juridiction supérieure devrait se porter garante de la protection juridique en dernière instance.
Cette juridiction supérieure pourrait toujours être une juridiction administrative. Mais il n'est point opportun que cet organe exerce d'autres missions que des missions juridictionnelles. Les juridictions administratives devraient se tenir à leur mission principale.
On ne négligera pas la composition des juridictions administratives. Tant les JD que les DP sont partiales en apparence. De plus, l'approche non juridique du juge laïque, tout en favorisant la face humaine et l'accessibilité de la procédure, pourrait menacer la sécurité juridique. Il paraît donc prudent de mettre un magistrat à son côté.
Publication:Administratieve rechtscolleges.
Prof. dr. L. Huyse, KU Leuven, 1994épuisé
ENTRE CITOYEN ET POLITIQUEProf. dr. L. Huyse, K. Duerinckx, E. Van Dael, KU Leuven
Chaque citoyen trouve avantage au bon fonctionnement de l'appareil judiciaire. Cette considération est à la base de la critique qui a été formulée à plusieurs reprises ces dernières années à l'encontre de la justice. Ce sont surtout l'arriéré judiciaire et l'accès étroit à la justice qui sont montrés du doigt. Au sein de ce débat, c'est à tort que l'on a porté particulièrement peu d'attention au fonctionnement des juridictions administratives. Cette lacune est en grande partie due au manque d'information adéquate à leur sujet.Dans une première phase du programme 'Citoyen et protection juridique', l'Institut Recht en Samenleving de la Katholieke Universiteit Leuven a réalisé une monographie sur trois juridictions administratives. Il s'agissait des députations permanentes, des chambres de recours provinciales et des juridictions disciplinaires. Le rapport souligne que la politique concernant le citoyen et sa protection juridique ne peut se limiter à des interventions au niveau des tribunaux. Selon le rapport, des mesures relatives à la phase préjudicielle sont également nécessaires. Pour beaucoup de litiges entre l'autorité et les citoyens, de même que ceux opposant les citoyens entre eux, il faut songer à une formule de résolution des conflits qui sorte du secteur du système judiciaire au sens strict. Les services de médiation constituent de telles instances alternatives de traitement des conflits. Ici aussi surgit le problème de la protection juridique de ceux qui font appel à ces services. C'est pourquoi l'Institut Recht en Samenleving, dans la deuxième phase du programme 'Citoyen et protection juridique'' a fait l'étude de sept services de médiation.
Un service de médiation est un lieu où, avec l'aide d'un médiateur, le contact entre le citoyen et l'autorité publique ou privée est facilité. Cela fait vingt ans déjà que l'on parle en Belgique de cette passerelle entre individu et organisation. La formule de la médiation est apparue a la fin des années quatre- vingts et au début des années nonante. En peu de temps furent créés dans les secteurs public et privé une série de services de médiation.
Trois des sept services étudiés relèvent du secteur du profit au sens strict. Ils ont été créés par l'Association Belge des Banques, l'Union Professionnelle des Entreprises d'Assurance et la Bourse. Deux autres services appartiennent à des entreprises qui ont des liens partiels avec les pouvoirs publics: la Société des Transports Intercommunaux de Bruxelles et la Sabena. Les deux derniers font partie intégrante du secteur des pouvoirs publics: le service de médiation de la Communauté Flamande et celui de la ville d'Anvers.
Le rapport aborde deux aspects. D'une part, il décrit la forme juridique de ces services de médiation. Pour cela il a été fait référence à la réglementation suivant laquelle chaque service de médiation a été instauré. D'autre part, il y a aussi l'attention portée à la réalité, au- delà des dispositions juridiques et formelles. Cette partie de l'étude repose sur une analyse des rapports annuels, des notes internes et des entretiens avec le personnel des services de médiation. La réalité du travail de médiation se manifeste entre autres par les données chiffrées qui sont reprises dans une annexe à chaque rapport. Notre réflexion sur l'opportunité et la réalité du travail de médiation nous a amenés a formuler par service de médiation une série de suggestions de politique à suivre.
Sur base de nos résultats de recherche, nous avons formulé, en guise de conclusion, une série de décisions provisoires et de suggestions de portée générale. Les services de médiation étant en Belgique relativement récents, il ne s'agit en aucune manière d'un jugement définitif.
Nous constatons que la réglementation est le plus souvent établie d'une manière très générale. Cela donne aux médiateurs la liberté d'interprétation nécessaire pour adapter le texte à chaque cas En revanche, une trop grande liberté de mouvement des médiateurs laisse le champ libre à des procédures floues et à des décisions contradictoires. Ce manque de clarté et d'uniformité peut susciter chez certains citoyens une certaine méfiance.
En ce qui concerne les services de médiation du secteur public, il faudrait donner une base juridique plus solide au statut juridique des médiateurs et de leurs collaborateurs. Des aspects tels que indépendance, nomination et révocation méritent beaucoup plus d'attention que celle qu'ils reçoivent actuellement. Le principe de l'indépendance du médiateur, par exemple, devrait être stipulé expressément dans la réglementation. En même temps, il faut prévoir davantage de garanties qui assurent cette indépendance. De plus, il est souhaitable que l'organisation introduise cette autonomie dans sa 'culture de l'entreprise'.
Plus d'une fois, la délimitation de la compétence du médiateur à l'égard du juge est vague. Ainsi, il n'est pas facile de savoir si une requête qui a déjà fait ou fait l'objet d'une procédure judiciaire, tombe oui ou non hors de la compétence du médiateur. Il faut faire la clarté sur ce point.
II est nécessaire de délimiter clairement le champ d'action du service de médiation. Lorsque le médiateur intervient comme instance d'appel, il faut ici aussi prévoir une base réglementaire. Dans ce cas, il faut également s'efforcer d'améliorer la communication entre le personnel de l'organisation et le service de médiation, de telle sorte que le principe de la 'seconde instance' influence négativement aussi peu que possible l'accès au médiateur.
La fonction de renvoi du médiateur devrait être prévue explicitement dans la réglementation. Les utilisateurs qui souhaitent des informations ou des éclaircissements sur les activités de l'organisation doivent pouvoir être assurés d'être renvoyés par le médiateur devant le service compétent.
II vaut mieux limiter le rôle informatif du médiateur au renvoi. Il ne peut en effet être question de laisser reprendre par le médiateur la fonction d' information de l'organisation. C'est l'organisation elle- même qui doit veiller à se pourvoir d'une politique d'information cohérente.
En ce qui concerne la procédure proprement dite, il nous semble que les aspects suivants méritent une amélioration: la notification de la recevabilité, le délai d'introduction d'une plainte, les contacts intermédiaires, les compétences d'enquête et la durée du traitement de la plainte.
* Dans un nombre limité de cas, aucune notification de la recevabilité n'est envoyée au plaignant. Il reste ainsi inutilement dans une longue incertitude quant au sort réservé à la recevabilité et au traitement de sa plainte.
* Après que les faits litigieux se soient produits, la plaignant doit disposer d'un délai suffisamment long pour introduire sa plainte auprès du médiateur. Avec les procédures actuelles, cela ne semble pas toujours être le cas.
* II ne semble pas non plus que l'information régulière du plaignant concernant l'avancement de son dossier soit une pratique générale. Cependant, cela semble être le cas dans certaines affaires, par exemple lorsqu'il est probable que le résultat final se fasse longtemps attendre, lorsque des évolutions importantes apparaissent dans le dossier ou lorsque c'est le plaignant lui- même qui demande à être informé.
* Surprenant est le fait que le médiateur ne puisse procéder à une enquête que suite à une plainte. Selon nous s'impose la possibilité de pouvoir, en dehors de toute plainte, entamer une enquête et émettre un avis de sa propre initiative.
* Plusieurs médiateurs dépendent, lors de leur enquête, d'autres instances (correspondants,...). L'intervention obligatoire de ces intermédiaires peut avoir un impact positif sur l'enquête, lorsque ceux- ci ont accès plus rapidement que d'autres, du fait de leur position privilégiée au sein de l'entreprise, à des documents et places d'importance. Ainsi est facilitée l'accumulation d'information par le médiateur. Ces intermédiaires peuvent néanmoins également constituer un frein pour les compétences d'enquête du médiateur, lorsque ce dernier ne peut mener son enquête que selon leurs instructions. De cette manière, l'action du médiateur peut être extrêmement limitée.
* Un dernier aspect procédural qui mérite ici notre attention est la durée de traitement d'une plainte. Quoique la plupart du temps, l'inquiétude principale du médiateur soit de traiter les plaintes dans la mesure du possible endéans un délai raisonnable, le résultat final se fait souvent trop longtemps attendre. Une durée de traitement relativement longue n'est toutefois pas toujours à imputer au médiateur lui- même. Le retard peut aussi être dû à la complexité des demandes, au plaignant lui- même qui ne fournit au médiateur l'information demandée qu'au compte- gouttes, ou encore à l'organisation qui ne met pas assez d'empressement à fournir les renseignements nécessaires et à faire part de son point de vue.
En se basant sur les chiffres disponibles des requêtes enregistrées, nous devons constater qu'il n'existe pas au sein des services de médiation du secteur public de système d'enregistrement précis et uniforme. Un enregistrement précis de toutes les questions et plaintes peut pourtant constituer une source d'information précieuse afin de localiser les imperfections et les dysfonctionnements de la prestation de service. Un système d'enregistrement uniforme permet en outre de comparer objectivement les activités des différents services de médiation.
Si le médiateur déclare une plainte fondée, cela ne signifie pas pour autant automatiquement un changement pour le plaignant. Il n'y a en effet aucune conséquence juridique liée à la décision du médiateur. Dès lors, celle- ci n'aura de suite favorable pour le plaignant que si elle est suivie par l'organisation. Si ce n'est pas le cas, cela peut signifier une grande déception ou même de l'irritation pour le plaignant qui s'était adresse au médiateur avec de grands espoirs.
Dans les circonstances actuelles, l'organisation n'est pas obligée de mettre le médiateur au courant de la suite donnée à sa décision. Le médiateur n'a dès lors aucune vue globale sur les effets concrets de son intervention. Nous plaidons pour l'instauration d'un système de suivi, fonctionnant comme système de feedback pour le médiateur. Cela permet aussi d'exercer une certaine pression sur l'organisation.
Enfin, nous voulons faire observer que le plaignant est censé la plupart du temps s'adresser en première instance à l'organisation concernée. L'objectif est que les plaintes soient traitées à ce niveau d'une manière adéquate. Ce n'est que lorsque le traitement interne de la plainte n'offre aucune solution satisfaisante et que le plaignant est prêt à fournir d'autres efforts que l'on peut avoir recours au médiateur. Ceci implique que les plaintes qui parviennent au médiateur ne forment qu'un nombre très limité. De plus, les plaignants ont souvent déjà derrière eux un long parcours. Nous constatons que le médiateur, assez curieusement, ne jette absolument aucun regard sur ces phases antérieures. Cependant, celles- ci influencent fortement la quantité et la qualité des plaintes qui parviennent au médiateur. Dans ce contexte, il nous semble essentiel de considérer le trajet complet d'une plainte comme un ensemble. La procédure de médiation n'est pas une donnée isolée mais une partie de la chaîne. C'est une phase qui est en interaction avec les événements antérieurs et ceux qui vont suivre. Le travail du médiateur devrait être repensé dans cette perspective.
Publication:Tussen burger en beleid.
Prof. dr. L. HUYSE, KU Leuven, 1996
JURIDICTIONS ADMINISTRATIVES: UNE ETUDE COMPARATIVE
Prof. dr. J. Vande Lanotte, RUG
I. POSITION DU PROBLEMEDepuis l'indépendance de la Belgique, la description des tâches de l'autorité a changé fondamentalement. "L'Etat-Providence" du 20ème siècle, dans lequel l'autorité intervient de multiples façons dans la vie sociale, remplace le principe du "laisser-faire" du 19ème siècle. Il est évident que de ce fait, non seulement les relations entre l'autorité et le citoyen mais aussi le nombre de litiges augmentent. Les interventions de l'autorité et la résolution des litiges qui en découlent ne se fondent pas sur un plan cohérent et mûrement réfléchi mais sont déterminées par des évolutions historiques. La conséquence en est un labyrinthe de législations, d'organes et de procédures.
Le pouvoir exécutif dispose globalement d'une compétence dévolue qui peut être liée ou discrétionnaire. Le contrôle de cette compétence se fait de trois manières différentes. Premièrement, le pouvoir législatif contrôle le pouvoir exécutif. La sanction qu'entraîne cette forme de contrôle est une sanction politique démocratiquement légitimée et d'ordre général. Deuxièmement, le pouvoir exécutif se contrôle lui-même. Ce contrôle, qui se fait d'office ou à l'initiative d'un justiciable qui introduit un recours administratif, trouve son fondement dans la structure décentralisée ou hiérarchique du pouvoir exécutif. Cette protection juridique n'est pas dénuée d'intérêt pour l'administré parce qu'elle ne vérifie pas seulement la légalité de l'acte mais aussi son efficacité. Enfin, il existe une protection juridique juridictionnelle. Il s'agit de la protection juridique offerte soit par les juridictions civiles soit par les juridictions administratives. Elles sauvegardent directement les intérêts personnels (parfois collectifs) de la personne (juridique) et visent en principe uniquement la légalité des décisions prises ou à prendre. Le thème du projet d'étude traite du recours juridictionnel auprès des juridictions administratives dans une perspective de droit comparé.
Une étude de droit comparé des juridictions administratives belges avec les juridictions françaises et néerlandaises est très instructive dans la mesure où elles ont une origine commune mais ont évolué différemment. Dès la Révolution française, la France a opté pour un pluralisme purement juridictionnel dans lequel le pouvoir judiciaire administratif se distingue du pouvoir judiciaire civil. Ce système est fondamentalement resté inchangé au cours des années mais est constamment adapté. Les juridictions administratives néerlandaises par contre connaissaient jusqu'il y a peu un système comparable sur le plan conceptuel au système belge existant mais elles se sont engagées depuis le 1er janvier 1994 sur la voie du monisme juridictionnel qui intègre (provisoirement?) une partie des juridictions administratives aux chambres administratives des tribunaux d'arrondissement qui relèvent du pouvoir judiciaire civil. Lors de la comparaison en droit avec les juridictions administratives françaises, il est surtout mis l'accent sur le système existant et sur les modifications qui y sont progressivement apportées. Alors que dans la comparaison de droit avec les juridictions administratives néerlandaises, l'accent est principalement mis sur la motivation du législateur, la réalisation, l'exécution, la structure et les effets des réformes ainsi que les moyens juridiques disponibles.
II. APERCU HISTORIQUE DU DROITLa Révolution française a été d'une grande importance pour l'organisation, le fonctionnement et le pouvoir judiciaire des juridictions administratives. La séparation des pouvoirs, la crainte du retour de l'absolutisme et la peur de voir les juridictions civiles et spéciales contrecarrer les nouvelles idées révolutionnaires ont eu pour effet que leur pouvoir judiciaire a été réduit dans une mesure plus ou moins grande. En interdisant quasi totalement (France) ou partiellement (Pays-Bas et Belgique) aux juridictions civiles de statuer sur des litiges entre les particuliers et l'autorité et le rejet (initial) de juridictions administratives spéciales, l'administration devient elle-même compétente pour trancher les litiges administratifs. Progressivement se développent dans l'administration même des organes ('conseils') qui traitent les litiges administratifs et, dans une période ultérieure, statuent. Cette évolution est à l'origine des juridictions administratives en France, aux Pays-Bas et en Belgique.
Les développements sociaux et politiques, le rapport entre le citoyen et l'administration, la doctrine et la multitude de litiges administratifs ont pour effet que la structure de droit administratif est adaptée en permanence (France et Belgique) ou est fondamentalement modifiée (Pays-Bas). Ceci a pour conséquence que, dans les trois pays, le contentieux administratif, bien qu'il se fonde sur les mêmes bases, diffère actuellement de manière fondamentale.
III. JURIDICTIONS ADMINISTRATIVES EN BELGIQUE.En principe, tous les litiges doivent être réglés par les juridictions civiles. Pour les litiges qui portent sur des droits civils, ceci est valable dans l'absolu. Pour les droits politiques, le juge civil est en principe compétent, sauf si la loi le prévoit autrement et crée à cette fin des juridictions administratives. Il existe en outre des recours administratifs qui doivent ou peuvent être introduits auprès de l'autorité administrative. Tout ceci a pour conséquence que le justiciable peut ou doit s'adresser à une autorité, une juridiction administrative ou civile déterminée.
La distinction entre recours administratifs et juridictionnels n'est cependant pas toujours claire. C'est pourquoi la jurisprudence et la doctrine ont proposé des critères de distinction.
Traditionnellement, ils sont répartis en critère organique, formel, matériel et légal. Dans la pratique juridique, ils ne semblent pas concluants. Un critère doit en effet d'une part être assez étendu pour s'appliquer à toutes les juridictions administratives existantes et d'autre part être suffisamment limitatif pour permettre la distinction avec d'autres recours. En outre, il doit décrire ce qu'"est" une juridiction administrative et pas ce qu'elle "devrait" être. Il s'ensuit qu'une juridiction administrative ne peut être qu'un organe de l'autorité dont les décisions ont autorité ou force de la chose jugée et qui ne relève pas du chapitre 'Du pouvoir judiciaire' de la Constitution.
L'autorité de la chose jugée est une décision normativement contraignante qui empêche que cette décision soit remise en question. Dans le rapport d'enquête, il est proposé une méthode de travail par élimination pour déterminer la compétence juridictionnelle d'un organe. En premier lieu, il faut (évidemment) examiner le texte de la loi même. Si on y retrouve littéralement que l'organe est une juridiction (tribunal) administrative ou qu'il prend une décision juridictionnelle ou que sa décision possède lautorité ou la force de la chose jugée, l'organe est une juridiction administrative. Si, en deuxième lieu, le texte de loi ne contient pas de dispositions explicites, il faut vérifier si un pourvoi en cassation peut être introduit. Lorsque, en troisième lieu, le texte de loi ne donne pas de précision ni explicite ni implicite, il peut apparaître clairement des travaux préparatoires et de l'avis du Conseil d'Etat que le législateur a eu l'intention de créer un organe juridictionnel. Enfin, tous les critères susmentionnés doivent être examinés lorsque les étapes précédentes n'ont pu offrir une solution. La qualification juridique de ces deux dernières catégories peut se dérouler de manière problématique.
Les conséquences liées au caractère juridictionnel d'un organe sont importantes. En effet, les juridictions ne peuvent en principe plus revenir sur leurs décisions, toutes les autorités ainsi que les parties et dans certains cas tous les citoyens sont liés par le jugement, l'exception d'illégalité ne peut être appliquée et les hautes juridictions sont tenues de respecter les décisions des juridictions inférieures indépendamment des moyens juridiques ordinaires et extraordinaires. En outre, une juridiction doit agir de manière autonome et impartiale et rendre un jugement motivé dans un délai raisonnable. Le jugement, ainsi que dans certains cas l'audience, doit se faire en public et être rendu contradictoirement, avec les mêmes moyens.
En 1996, il existe juridiquement 65 juridictions administratives. Les raisons invoquées par le législateur pour les créer sont très spécifiques et doivent être examinées de manière individuelle. Les raisons générales suivantes peuvent toutefois être données. Une première raison est l'augmentation précitée de l'ingérence de l'autorité dans la vie sociale. Une deuxième raison est de résoudre de cette manière un problème concret qui se manifeste à un certain moment. Une troisième raison peut être trouvée dans la protection du justiciable contre l'intervention irrégulière ou arbitraire de l'administration. Une quatrième raison de la création est une réorganisation ou une coordination de certaines matières de façon à pouvoir agir plus efficacement. Enfin, la matière vaste et spécialisée sur laquelle la juridiction doit se pencher avec la célérité voulue constitue une cinquième raison.
Les juridictions administratives sont relativement inaccessibles, dans la mesure où elles sont disséminées dans pratiquement tous les ministères, que les informations effectives sont quasi totalement manquantes et que les tribunaux administratifs organisés par la loi ne sont, dans la pratique juridique, pas tous en activité. En outre, ils possèdent souvent une compétence territoriale spécifique et les (éventuels) organes de recours appartiennent parfois au pouvoir judiciaire civil. En outre, on remarque qu'il est particulièrement difficile de vérifier le fonctionnement effectif des juridictions administratives. En général, relativement peu de dossiers sont soumis et ils ont généralement peu de retard.
Le contentieux administratif belge ne connaît pas de règles générales de procédure applicables à toutes les juridictions administratives. Chaque juridiction administrative a ses propres règles de procédure spécifiques. Les procédures administratives préalables ne sont pas toujours prévues ou imposées et ne sont pas non plus organisées de manière cohérente. 70% des juridictions administratives sont composées d'au moins un magistrat. Les autres membres doivent généralement disposer de qualités spécifiques ce qui en pratique peut quelque fois provoquer des difficultés. La moitié des juridictions tient compte d'une certaine parité dans la composition. Un peu plus de la moitié des juridictions statue en première et unique instance, en d'autres termes seuls des moyens juridiques extraordinaires sont possibles contre ces décisions.
Les juridictions administratives prennent des décisions dans des matières très diverses. La majorité des juridictions administratives prononcent des jugements sur les conséquences de circonstances de guerre et d'obligations de milice, suivi par les juridictions qui octroient une intervention financière d'ordre social autre que le premier groupe et celles qui rendent des jugements sur des matières économiques, des fixation d'impôts ou d'accises ou des matières médicales. Les autres juridictions administratives prononcent des jugements sur des litiges allant de matières culturelles, pénales, d'environnement, de droit administratif à des matières disciplinaires et professionnelles. La description générale des tâches des juridictions est de prononcer un jugement revêtu de lautorité de la chose jugée.
Contrairement aux autres juridictions administratives, le nombre d'affaires soumises au Conseil d'Etat pendant la période d'enquête (1989 à 1995) a fortement augmenté (pratiquement quadruplé). Ceci a pour conséquence que malgré la forte augmentation du nombre d'arrêts rendus (quasiment triplé pendant la période d'enquête) l'arriéré juridictionnel du Conseil sest également accru (de 6.230 affaires en 1989 à 14.985 affaires en 1995).
L'introduction du référé administratif général a clairement entraîné une forte augmentation du nombre d'affaires auprès du Conseil d'Etat. Il faut toutefois signaler ici qu'une baisse constante de l'augmentation a ensuite été constatée annuellement. Pour le nombre d'affaires entrantes, on note même une baisse de 10 % pour l'année civile 1995 par rapport à 1994.
L'introduction du référé administratif général a également provoqué une forte augmentation des dossiers en matière d'étrangers. On remarque à ce sujet les grandes différences entre les rôles linguistiques. L'augmentation du nombre de dossiers en matière d'étrangers est pour les chambres de langue française (proportionnellement) beaucoup plus importante et plus difficile que pour les chambres de langue néerlandaise qui étaient déjà à un niveau relativement élevé avant l'introduction du relevé administratif.
En ce qui concerne la durée, le délai moyen nécessaire pour rendre un arrêt quant au fond diminue de 9 mois au cours de la période d'enquête pour arriver en 1995 à une moyenne de 2 ans et 7 mois pour les arrêts, à l'exclusion des étrangers, et de 2 ans pour les arrêts concernant les étrangers. Le délai moyen nécessaire pour rendre un arrêt en référé, qui est de 10 mois au cours de l'année civile 1995, dépasse largement le délai légalement prescrit de 45 jours. Cette durée a augmenté chaque année depuis l'introduction du référé administratif général. On remarque à ce sujet, et ce en contradiction avec la procédure quant au fond, que la durée moyenne en 1995 des arrêts en référé en matière d'étrangers est nettement supérieure (11 mois et demi) aux arrêts en référé à l'exclusion des étrangers (4 mois et demi).
IV. JURIDICTIONS ADMINISTRATIVES EN FRANCE.La particularité la plus saillante est la scission entre le pouvoir civil et administratif. Ce dernier conserve l'équilibre entre l'intérêt de l'individu et l'intérêt général. Le pouvoir judiciaire administratif distingue entre les juridictions administratives de droit commun et les juridictions administratives spéciales. La première catégorie, constituée des 14 tribunaux administratifs de première instance ("les tribunaux administratifs"), de cinq cours administratives d'appel et du Conseil d'Etat, forme un groupe homogène de juridictions au sein duquel il existe, dans une grande mesure, une unité de structure, d'organisation et de description des tâches. Les 30 à 50 juridictions administratives spéciales forment par contre un groupe hétérogène de juridictions où l'on ne retrouve aucune cohésion ni organisation. Elles sont principalement chargées dune mission tant administrative que juridictionnelle dans un domaine spécifique. Le nombre relativement peu élevé des affaires sur lesquelles elles ont à se prononcer fait qu'elles ne sont que d'importance secondaire dans la pratique du droit.
Par la création tant des tribunaux administratifs de première instance en 1953 que des cours administratives en 1987, le législateur visait à réduire le flux d'affaires soumises au Conseil d'Etat. Les 34 tribunaux administratifs sont compétents pour connaître, en première instance, de tout conflit administratif, à moins que la loi nai attribué cette compétence à une autre juridiction. En principe, un recours est toujours ouvert contre leurs décisions auprès des cours administratives ou du Conseil d'Etat. Outre leurs compétences juridictionnelles, elles sont également chargées de tâches administratives. Les cinq cours administratives ne sont pas les juges d'appel de droit commun; ce sont pourtant eux qui prennent actuellement la majorité des décisions en appel. Il ont eux aussi un certain nombre de tâches administratives à remplir.
Outre sa compétence de connaître de certains litiges en première instance ou en appel, le Conseil d'Etat devient de plus en plus le juge administratif uniformisateur et harmonisateur. Il est en effet le juge administratif de cassation, il statue sur les recours introduits par des ministres visant à corriger des erreurs juridiques de juridictions et il est compétent pour s'exprimer, à titre davis, sur des "questions de droit nouvelles" transmises par les cours administratives ou les tribunaux administratifs de première instance.
Lappel revêt un caractère dévolutif et n'a en principe aucun effet suspensif. Le pourvoi en cassation n'est instruit qu'après avoir été transmis au Président d'une section du Conseil d'Etat soit par le président, soit par la Commission d'admission des pourvois en cassation. De plus, le Conseil d'Etat, agissant en juge de cassation, peut lui même statuer sur l'affaire lorsque la bonne administration de la justice l'exige.
En principe, le justiciable a toujours la possibilité (en moindre mesure, l'obligation) d'introduire un recours administratif gracieux ou hiérarchique ou un recours auprès de l'autorité de tutelle. En principe, l'introduction d'un pareil recours interrompt le délai dans lequel le justiciable doit introduire son recours juridictionnel, à condition que le recours administratif soit introduit avant l'expiration du délai d'introduction du recours. La possibilité d'épuiser dabord une procédure de conciliation est en principe également prévue et interrompt aussi le délai d'introduction du recours juridictionnel. A quelques exceptions près, ces procédures sont réglées de manière très rudimentaire et montrent un manque total d'uniformité.
Les recours pour excès de pouvoir peuvent conduire à l'annulation de l'acte administratif entrepris. Lorsqu'un acte est annulé, il est censé n'avoir jamais existé, et lannulation a un effet erga omnes. Le recours entier mène à une condamnation de la partie perdante; ici, le juge non seulement prononce l'annulation, mais a encore la compétence de réformer l'acte entrepris ou d'ordonner son remplacement par un autre, d'ordonner le paiement d'une somme, d'établir les obligations à charge de l'autorité administrative et d'ordonner les travaux nécessaires ou urgents. Outre le prononcé sur le litige, le dispositif comprend la condamnation aux frais de procédure, lindemnité de procédure, les amendes pour recours téméraires et la désignation des personnes qui doivent obtenir, par lettre recommandée, un acte authentique du jugement.
V. JURIDICTIONS ADMINISTRATIVES AUX PAYS-BAS.A la différence de ce qui se passe en France, l'organisation du règlement des contentieux administratifs aux Pays-Bas connaît une véritable ligne de rupture. La construction de droit administratif non structurée formée de dizaines de plaintes et de recours administratifs, de juridictions administratives et du Conseil d'Etat avec la section du contentieux administratif et celle de la jurisprudence ainsi que du juge civil est abandonnée par étapes. Après la première phase d'organisation judiciaire du 1er janvier 1994, une partie du contentieux administratif en première instance a été intégrée aux chambres administratives des tribunaux d'arrondissement qui appartiennent au pouvoir judiciaire civil. Une phase ultérieure a pour but d'intégrer les juridictions administratives (non-structurées) restantes dans les juridictions déjà existantes, de résoudre la question de lappel et du pourvoi en cassation, l'intégration au pouvoir judiciaire civil apparaissant comme la plus probable.
En application de l'article 107, alinéa 2, de la Constitution, la "Algemene wet Bestuursrecht -AwB" (Loi dadministration générale) réforme par étapes le droit administratif (droit de la procédure administrative), antérieurement structuré de manière chaotique, en une seule loi globale dont le but est d'introduire des règles générales. L'idée de base de "l'AwB" consiste à rendre de plus en plus égal le rapport entre le citoyen et l'administration. Il en découle que la protection juridique du citoyen face à ladministration devient plus importante que le maintien juridique du droit objectif. Pour ce faire, le droit administratif doit faire preuve de plus d'unité, il doit être systématisé, simplifié et, la jurisprudence plus ou moins établie, codifiée. Les réformes du droit administratif vont de pair avec une réforme du droit de la procédure administrative et de l'organisation judiciaire. Ceci est nécessaire si une réforme du droit administratif ne veut pas manquer son objectif, du fait que l'organisation chaotique du contentieux administratif demeure. Le but poursuivi est qu'un seul pouvoir juridique juge toutes les affaires de droit en cause sur la base de l'unité du droit.
Le renforcement de la gestion, de l'infrastructure et de l'automatisation est perçu comme la condition nécessaire pour une révision de l'organisation judiciaire. La structure "DGO" a été introduite en 1989. Un "manager", le "Directeur Gerechtelijke Organisatie" (Directeur de l'Organisation Judiciaire) est responsable de la gestion des moyens du tribunal, il est le chef du personnel auxiliaire et le protecteur des intérêts de l'arrondissement et de la justice. 1990 a vu l'introduction du système de "planification et contrôle". Cette méthode prévoit que toutes les personnes concernées du tribunal établissent annuellement un plan d'arrondissement avec un aperçu de leurs activités, buts et moyens en tenant compte des priorités du département. Ensuite, des accords de management sont conclus avec le département, qui sont évalués sur la base des résultats de la gestion au moyen de rapports périodiques.
L'AwB connaît trois sortes d'accès différentes au droit administratif. En premier lieu, il existe en principe une procédure obligatoire de réclamation écrite (ou, de moins en moins, de recours administratif) devant être introduite auprès de l'organe administratif qui a pris la décision entreprise. Les avantages résident dans la reconsidération de la question, l'effet d'apprentissage, la 'fonction de filtrage' et, si le juge doit quand même être saisi, le litige est délimité et élaboré. Les inconvénients d'une procédure de réclamation écrite résident dans l'alourdissement des tâches de l'organe administratif et dans une instance supplémentaire obligatoire. Un deuxième accès au droit administratif consiste dans le recours auprès des chambres administratives des tribunaux d'arrondissement agissant en juge administratif général. Enfin, il existe le pourvoi, en vertu dune législation spécifique, auprès dun juge administratif spécialisé, du juge civil ou de la Section de contentieux administratif du Conseil d'Etat.
L'examen du recours consiste en principe en une instruction préparatoire et une instruction à laudience. Après lintroduction de la requête, l'organe administratif dépose les pièces relatives à la cause et un mémoire en réplique au tribunal. Ce sont les seules démarches obligatoires dans le cadre de l'instruction préparatoire. Si l'affaire n'est toujours pas claire, le juge dispose d'un arsenal de moyens pour apporter de la lumière en la cause: la réplique et la duplication, l'apparition en personne, lobtention de renseignements écrits, des témoignages, des experts, des interprètes et l'ordonnance d'une instruction sur les lieux. Lorsque l'instruction préparatoire est terminée, celle-ci est suivie par laudience, sauf si l'on y renonce avec laccord des parties. A l'issue de l'instruction à laudience, le juge peut soit statuer immédiatement oralement soit statuer par écrit.
Les recours ne suivent pas tous ce schéma. Un traitement accéléré est possible en cas durgence et une procédure simplifiée est possible lorsque laffaire est manifestement irrecevable, (non-)fondée et en cas dincompétence manifeste. Le président d'un tribunal peut également prononcer une astreinte et statuer immédiatement au principal si le tribunal a déjà été saisi d'un recours et qu'il est d'avis que l'affaire n'a plus besoin de complément.
Le juge peut annuler la décision entreprise, la maintenir, il peut, sous certaines conditions, lui-même décider de laffaire ou ordonner à l'organe administratif de prendre une nouvelle décision, de faire un autre acte qui tienne compte de la décision judiciaire ou il peut prononcer l'indemnité totale. Le juge peut également fixer un délai assorti ou non dune astreinte. De plus, le jugement désigne éventuellement le(s) partie(s) qui doivent subvenir aux frais de greffe.
Lappel est en principe prévu, mais il n'est actuellement réglé qu'en partie. Il a un effet dévolutif. Le moyen de cassation est actuellement pratiquement inexistant mais devrait à l'avenir être réglé de manière uniforme.
VI. CONCLUSIONS ET PROPOSITIONS DE POLITIQUE A SUIVRE.Le morcellement des juridictions administratives d'une part et l'arriéré du Conseil d'Etat d'autre part doivent être réduits d'une manière structurelle et fondamentale pour être remplacés par une structure homogène, transparente et efficace.
Il faut renoncer au maintien d'une possibilité de recours auprès d'une seule juridiction administrative spécifique uniquement compétente pour une matière spécialisée déterminée. Tout d'abord, on peut supprimer une série de juridictions administratives prévues par la loi, mais (pratiquement) inactives qui ont perdu leur raison d'être. Ceci ne change que peu à la pratique judiciaire, mais la législation en est tout autant simplifiée et plus transparente. En deuxième lieu, une série de juridictions administratives peuvent être "déjuridictionnalisées". Ceci veut dire que lobjet de la cause doit d'abord être traité par l'autorité administrative, après quoi on peut introduire un recours devant le juge ordinaire. Pour les litiges relatifs à des actes administratifs entrepris, on peut (dans une première phase) ou on doit (dans une seconde phase) demander une reconsidération de la décision attaquée avant d'introduire un recours juridictionnel soit auprès de l'autorité administrative qui a pris la décision, soit auprès de l'autorité supérieure ou de tutelle.
En troisième lieu, pour les juridictions administratives restantes se pose la question de l'opportunité de créer des tribunaux ordinaires décentralisés soit intégrés dans les juridictions civiles, soit sous la forme de nouvelles juridictions administratives encore à instituer. La réponse à cette question doit être vue tant sous l'angle de l'efficacité que sous celui de la qualité de la protection juridique.
La motivation de la création de pareilles juridictions (administratives) générales est double. Une décentralisation du Conseil d'Etat permettra notamment de rapprocher la justice administrative du justiciable, de donner une réponse structurelle à la surcharge du Conseil et à la longueur des procès, et la double instance. Parallèlement, on espère créer une structure plus claire, simplifiée et cohérente des juridictions administratives, qui seront alors en mesure détablir une jurisprudence constante et cohérente grâce à des juges indépendants, permanents et formés.
En ce qui concerne la décentralisation du contentieux administratif, il y lieu tout d'abord de signaler que la seule institution de nouveaux juges (administratifs) ordinaires et de nouvelles possibilités dinstance n'apporte pas de solution globale quant à laugmentation du nombre de litiges administratifs (cf. expériences faites en France). Par contre, on peut se demander si laugmentation des causes à la suite de la décentralisation du contentieux administratif ne prouve pas justement sa nécessité. La comparaison en droit tant avec la France que (provisoirement?) les Pays-Bas, amène, en deuxième lieu, la remarque que l'intégration de toutes les juridictions existantes dans une seule structure est problématique. De plus, lors d'une décentralisation du contentieux administratif, la problématique des compétences doit être délimitée de manière simple et homogène. A cet égard, on envisage de 'rationaliser' les juridictions administratives.
Afin de pallier au manque de vue d'ensemble sur les juridictions administratives, il est proposé dinstaurer, de manière générale, lobligation détablir un rapport annuel, en ce compris une planification, et, au moins, lobligation générale de renvoi. Afin de parer à laugmentation des litiges administratifs devant des juridictions administratives, il pourrait être prévu lobligation dune procédure administrative préalable, des possibilité de conciliation, des procédures sélectives avant et en cours de la phase juridictionnelle et des moyens pécuniaires. Enfin, il est indiqué que les modifications soient reprises dans une seule loi fondamentale, pouvant alors être appliquées éventuellement de manière fragmentaire.
Publication:Administratieve rechtscolleges: een rechtsvergelijkende studie.
Prof. dr. J. VANDE LANOTTE, RUG, 1997.