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LA QUALITE DE LA VIE DANS LES CALCULS DE COUTS-BENEFICES

Prof. dr. J. Bernheim, Ruddy Verbinnen, VUB


L'intérêt pour la Qualité de vie n'a jamais été aussi grand de nos jours. La Qualité de vie (QV) est devenue un paramètre important dans le processus des soins de santé.

Le présent rapport comporte trois volets:

* Le premier volet porte sur l'élaboration de théories sur la QV, où sont détaillées la taxonomie et la définition de la QV.

* Le deuxième volet concerne l'étude du terrain entre la théorie et la recherche, sur la base d'une étude de cas relative à un instrument de mesure, à savoir les Quality Adjusted Life Years (QALY). Les QALY sont un instrument économico- sanitaire soulevant une série de questions théoriques, éthiques et relatives à la recherche. Une étude de la littérature permet d'arriver à une discussion critique sur cet instrument de mesure.

* Dans le troisième volet sont rapportés les résultats des recherches pilotes et des recherches sur le terrain.


Chapitre 1. Qualité de Vie: Taxonomie et définitions

La première partie reprend une série de considérations théoriques sur la QV.

A. Nous distinguons trois taxonomies de QV: la QV objective versus la QV subjective; la QV aux niveaux macro, méso et micro; et la QV globale (overall quality of life) versus la QV en facettes.

1. L'utilisation séparée d'éléments objectifs et subjectifs lors de la mesure de la QV présente des inconvénients. Leur combinaison permet d'y remédier et est théoriquement défendable. Une mauvaise situation objective ne doit pas signifier que l'évaluation subjective du patient est médiocre (p.ex. la QV d'un cancéreux au stade terminal peut être médiocre vu la faiblesse de sa santé d'un point de vue objectif, alors que la QV subjective peut être élevée grâce à l'ensemble des soins qualitatifs). Dans le même ordre d'idées, une bonne situation objective n'est pas une garantie pour une évaluation subjective élevée (p.ex. la QV obtient un score élevé grâce à une mammectomie qui s'est parfaitement déroulée d'un point de vue médical, mais cela peut être difficile à supporter pour la patiente). Il importe de reprendre des éléments objectifs et subjectifs dans la recherche. La relation entre paramètres objectifs et subjectifs ne fait cependant pas beaucoup l'objet d'études. Les indications d'un rapport problématique entre ces paramètres sont pourtant assez nombreuses. Des recherches montrent que la QV d'un patient déterminée par un médecin diffère souvent de la QV du même patient déterminée par une infirmière/un infirmier et que la QV est évaluée encore autrement par le patient lui- même.

2. Il existe trois niveaux de recherche portant sur la QV. La QV fait l'objet de recherches macro. On étudie au plan sociétal un certain nombre de variables QV comme la santé, le logement, l'enseignement, les revenus... Ces recherches s'effectuent à l'heure actuelle principalement dans les pays du tiers monde, où on veut voir clair dans l'impact des mesures politiques (p.ex. santé publique). Les recherches au niveau méso avec pour but d'analyser et, le cas échéant, de comparer la QV de groupes, sont mises en oeuvre dans le domaine des sciences sociales et de la médecine, et ce à l'aide de méthodes et de définitions toutes autres pour ce qui est de la QV. Les recherches au niveau micro portant sur la QV s'effectuent surtout dans le domaine de la médecine, où l'étude de la QV objective porte sur un seul patient.

Cette distinction est importante lorsqu'on va comparer des résultats. Comparer les résultats de recherches effectuées à des niveaux de recherche différents s'avère problématique, de même que l'utilisation d'instruments de mesure à un niveau supérieur ou inférieur à celui pour lequel ils ont été développés (cf. QALY).

3. Les recherches sur la QV peuvent se dérouler au moyen de mesures globales ou de mesures en facettes. L'avantage est que l'on obtient de la sorte non seulement des données relatives au contenu sur la QV, mais également que le poids des facettes peut être pesé à l'aide de la mesure globale.

B. Il ressort des définitions de la QV que cette dernière renferme une dimension physique, psychologique et sociale. Une série de pistes de réflexion éventuelles pour les mesures futures de la QV sont énumérées au départ de la discussion taxonomique. Nous étudierons les différentes définitions de la QV, tout en distinguant les définitions psycho- sociales des définitions liées à la santé.

1. Les sciences sociales ont la plus longue tradition pour ce qui est de l'étude de la QV. C'est dans les années cinquante et soixante que le concept s'introduit auprès des sociologues, des politiciens et les responsables politiques.

Dans son ouvrage de base sur la mesure de la santé, McDowell signale que les travaux conceptuels portant sur la QV ont été réalisés par les sciences sociales. La définition de la QV y trouve son origine. La confusion avec la satisfaction, la morale, le bonheur ou l'anomie y a été soulevée.

L'encadrement théorique du concept QV comme indiqué au chapitre 1.A. s'est réalisé par le biais des sciences sociales. La QV a reçu plutôt une définition subjective (perceived QL), bien que des paramètres objectifs soient également repris dans la recherche 'Social Indicators', avec, comme point de départ, principalement la demande d'une politique souhaitant connaître les effets du bien- être. Les sciences sociales se sont vu offrir une tâche gigantesque, à savoir définir, opérationnaliser et analyser la QV et le bien- être. Plus tard, la médecine reprendra ce terme tout en introduisant la dimension physique.

2. La médecine a repris le concept QV dans son évaluation du traitement médical. Vu la connaissance croissante des maladies et des affections, la médecine est capable d'intervenir de plus en plus efficacement à l'intérieur du corps humain. La médecine donne priorité au symptôme et, sur la base des idées acquises, des traitements sont développés et fixés au sein d'un protocole. On suit un traitement selon des procédures 'biomédicales' définies de manière très précise. Cet objectif est transposé dans la mesure de la QV.

Cette dimension physique ou corporelle fait l'objet d'une approche plutôt négative dans les recherches médicales sur la QV. On calcule la distance qui nous sépare d'une QV parfaite (lire 'santé'), en examinant à cette fin les effets de la thérapie. Les recherches portant sur la QV sont orientées vers ces objectifs clairement reconnaissables dans la pratique médicale. Souvent seuls les paramètres objectifs sont repris dans les recherches. L'origine de la dimension psychique dans la médecine se trouve dans la psychométrie. Les recherches médicales portant sur la QV la présentent souvent au départ d'une étude portant sur la définition objective de la 'dépression et de la peur'.

La dimension sociale est mise plus au moins au même niveau que la dimension psychique dans les recherches portant sur la QV. Il existe une tendance à parler des aspects 'psycho- sociaux' de la QV. Les éléments sociaux subjectifs présents dans les recherches médicales portant sur la QV ont surtout trait à l'interaction entre le patient et la famille, les prestataires de soins professionnels et l'environnement plus large.

La médecine considère encore trop l'être humain comme un être purement biologique. L'intérêt pour l'homme en tant qu'acteur social reste encore trop limité. L'étude sur la QV est souvent confondue avec la qualité 'objective' du traitement ou la qualité 'objective' des soins et l'état physique 'objectif' du patient. Les études médicales parlent cependant de la QV comme un concept tridimensionnel, avec une attention toute particulière pour la dimension subjective (voir la définition de la santé de l'OMS).

Un des plus gros problèmes dans le domaine de la recherche (médicale) portant sur la QV est l'absence de définition. Il ressort d'un certain nombre d'articles donnant un aperçu des recherches portant sur la QV que c'est plutôt la règle que l'exception. Le but des recherches portant sur la QV au sein du secteur des soins de santé est d'améliorer les soins fournis. Lesdites recherches servent alors d'instrument d'évaluation. Telles qu'effectuées de nos jours, ces recherches manquent souvent leur but.

Pour ce qui est de l'étude de la littérature relative à la définition et à la mesure de la QV, nous constatons en guise de conclusion que les chercheurs ont des difficultés avec le caractère 'insaisissable' de la QV. Celle- ci est décrite dans les articles donnant un aperçu des différentes disciplines comme un terme complexe, difficile à définir et vague, dont le contenu diffère selon les objectifs des recherches. La définition du concept de QV varie énormément. L'abondance d'études sans aucune définition de la QV a pour effet que le terme perd sans cesse de la précision.

De Haes (1991) écrit que pour l'étude de la QV, il est extrêmement urgent 'd'éclaircir le concept, de déterminer les facteurs liés à la QV et d'examiner la dynamique qui produit une bonne ou une mauvaise QV'. Nous souscrivons à cette citation.

Rombauts affirme que la QV ne peut pas être définie. Il propose comme alternative de définir et de mesurer la QV par des indicateurs. Les indicateurs de la QV sont moins étendus et moins vagues, rendant plus facile l'utilisation de définitions concrètes. Si l'on cible en outre ses recherches sur une population de recherche plus homogène ayant un certain nombre de caractéristiques communes (par exemple des patients gériatriques), il est possible de définir plus concrètement et d'opérationnaliser la QV au moyen de certains indicateurs. Ces propositions ne sont provisoirement que peu suivies, malgré le soutien théorique. Cela n'est dès lors pas uniquement une remarque académique, mais plutôt un appel aux responsables politiques et à tous les chercheurs dans le domaine pour ouvrir de nouvelles voies de recherche.

La QV comporte trois dimensions étendues, à savoir la dimension physique, sociale et psychologique. Malgré cette précision apparente, les recherches portant sur la QV ne s'effectuent pas sans problèmes. La détermination et l'opérabilité de toutes les composantes de la QV paraissent en pratique très difficile. Cela résulte entre autres de la complexité de la taxonomie de la QV.

Ce n'est pas uniquement cette taxonomie complexe qui prête à confusion, mais également les recherches effectuées dans différentes disciplines.

Il y a d'une part un manque de consensus interdisciplinaire quant à la définition théorique du concept, alors que le consensus intradisciplinaire fait d'autre part également défaut. Le terme 'Qualité de la vie' est en outre souvent utilisé de façon désobligeante, de sorte qu'une mesure standardisée de la QV semble de plus en plus improbable. Il est urgent de revoir en détail la définition de la QV et d'en arriver à un consensus plus large. Les fondements de cette définition se situent selon nous au niveau de l'encadrement théorique mis en place il y a trente ans déjà par les sciences sociales.


Chapitre 2. Qualité de la vie en termes d'utilité ou d'égalité, les Quality Adjusted Life Years (QALY), l'étude de marché comparative dans les soins de santé.

La médecine est en mesure d'intervenir de plus en plus efficacement dans le corps humain. L'un des objectifs importants était d'augmenter l'espérance de vie. Plus tard, l'objectif est devenu de prolonger la vie avec une bonne qualité de vie. La particularité des QALY est que tant la quantité que la qualité de la vie ont été reprises dans la formule (QALY= 'nombre d'années gagnées' grâce au traitement, multiplié par la 'qualité de la vie'). Cette mesure était à l'origine destinée à servir d'instrument d'aide à la décision lors du choix du traitement à donner pour une même maladie. On tentait de faciliter le choix entre traitements, où l'on tenait pas uniquement compte de la survie grâce au traitement, mais également de la qualité de la vie après le traitement. Les médecins utilisaient en deuxième lieu les QALY pour aider leurs patients lors du choix difficile entre le nombre d'années de survie et la qualité de la vie. Les recherches cliniques utilisent par exemple les QALY pour informer le patient des avantages et des désavantages spécifiques de certains traitements, de sorte que ce dernier peut décider sur la même base que le médecin de la voie à suivre (informed consent). Les QALY ont donc été développées pour être utilisées au niveau micro.

Cet instrument est entre- temps utilisé au niveau macro, principalement aux Etats- Unis, afin de rationaliser le peu de moyens disponibles dans le secteur des soins de santé. On y établit régulièrement un tableau de priorités, sur la base duquel sont calculés les coûts des maladies par années QALY gagnées.

Les QALY sont en butte à de nombreuses critiques. Nous nous limiterons ici aux objections principales:

1. Il existe des objections d'ordre théorique contre les QALY. Il n'existe pas de consensus quant à la définition des QALY, ni quant à l'opérationnalisation des deux composantes formant cette mesure, à savoir la composante 'qualité' et la composante 'quantité'. Comparer les résultats de recherche devient ainsi impossible, bien que cela soit toutefois fait.

2. Le modèle théorique des QALY ne correspond en rien au modèle théorique de la QV. Les dimensions pertinentes de la QV manquent dans le calcul des QALY. La composante QALY 'qualité de la vie' ne tient compte que des dimensions 'mobilité' et 'douleur'. La dimension physique de la QV n'est que définie très étroitement par les QALY. Les QALY ne mesurent pas la dimension sociale et psychologique de la QV.

3. Il existe des objections éthiques contre les QALY.

Le tableau des priorités des QALY désavantage les personnes âgées, vu leur espérance de vie plus limitée que celle des jeunes. Par conséquent, elles atteignent un score peu élevé dans le tableau des priorités des coûts les plus réduits par QALY gagnées.

De même, les soi- disant 'modèles de soins non curatifs' (comme les soins palliatifs, les soins aux handicapés, la gériatrie, l'aide aux sidéens,...) sont désavantagés par les QALY parce qu'ils ne tendent pas à optimaliser la combinaison entre la quantité de la vie et la qualité de la vie.

L'utilisation des QALY favorise clairement le 'principe d'utilité' (priorité aux traitements qui rapportent le plus pour la communauté) au détriment du 'principe d'égalité' (priorité au soutien des groupes de patients nécessitant le plus d'aide).

4. Il y a, pour finir, une objection pratique contre les QALY. En arriver à une mesure valide et fiable de la survie corrigée pour la QV à l'aide des QALY nécessiterait beaucoup de temps. Cela doit se faire pour chaque syndrome, mais également pour chaque traitement. Ces données devraient dès lors être corrigées pour les variables liées aux patients telles que le sexe, l'âge, les autres syndromes constatées chez le patient, l'évaluation subjective de la QV,...

Les études portant sur les QALY démontraient que leur utilisation peut le cas échéant mener à une désorganisation des soins de santé, qui ne peut être contrecarrée qu'en introduisant d'autres points de discussion par le biais de disciplines autres que la médecine et l'économie.


Chapitre 3. Recherches portant sur la Qualité de la vie

L'objectif de ce projet était de tester l'instrument de mesure Anamnestic Comparative Self- Assessment (ACSA) auprès d'une population autre que les personnes souffrant d'un cancer. L'objectif était de faire de cet instrument clinique une échelle générale utilisable dans la médecine.

Le point de départ de ces recherches était d'effectuer des travaux sur le terrain auprès d'un groupe de patients pour qui la qualité de la vie est plus importante que la quantité de la vie. Il va de soi que les patients souffrant d'un cancer au stade terminal constituent la population idéale. Cela n'a pas pu avoir lieu pour des raisons pratiques. Le deuxième groupe entrant en ligne de compte étaient les patients gériatriques.

Outre le test de l'ACSA quant à son opérabilité auprès d'une population gériatrique, on a tenté par le biais de ces recherches de contribuer le plus possible aux fondements théoriques de la QV. Nous avons utilisé divers instruments à cet effet.

Les caractéristiques objectives sont mesurées à l'aide du Mini Mental State (MMS) et de l'échelle de Katz. Le MMS examine si les patients ont des déséquilibres cognitifs. L'échelle de Katz nous donne des résultats concernant les activités quotidiennes (Activities of Daily Living, ADL). L'introduction de ces instruments de mesure objectifs permet de situer les résultats de recherche subjectifs dans un cadre objectif.

Pour ce qui est des caractéristiques subjectives, il est opté pour la combinaison d'une méthode quantitative globale, à savoir l'Anamnestic Comparative Self- Assessment (ACSA) et une mesure au moyen de facettes, le Life Satisfaction Index (LSI). ACSA a été validé auprès des cancéreux et dans le domaine de la psychiatrie. Le LSI a été validé dans le domaine de la gériatrie.

L'objectif de cette étude était de soumettre à un test les échelles subjectives utilisées pour vérifier si elles sont utilisables dans le cadre des recherches de terrain portant sur la QV des patients gériatriques. L'ACSA a été utilisée pour la première fois chez les patients gériatriques, tandis que le LSI est déjà régulièrement utilisé depuis 1975 chez ceux- ci. Moyennant les résultats de l'étude pilote, la procédure d'échantillonnage et les instruments de mesure ont été actualisés en vue de la mise sur pied d'une étude de terrain plus étendue sur la QV des patients gériatriques dans trois institutions. Faute de temps, cette étude de terrain plus étendue a été limitée à une analyse du service Gériatrie de l'AZ- VUB.

Le groupe des patients est composé de patients de la section Gériatrie de la Academisch Ziekenhuis de la Vrije Universiteit Brussel. Les questionnaires ont été distribués aux patients 'en salle'.

Au cours de l'étude pilote, 111 patients au total ont été admis au service gériatrie, dont 52 ont été repris dans l'échantillon.

L'étude de terrain proprement dite s'est étalée sur trois mois au cours desquels 110 patients ont été admis dans le service gériatrie, dont 57 ont été écartés sur la base de critères d'exclusion. Quelque 19 patients n'ont également pas été repris dans l'étude pour d'autres raisons (renvoi prématuré, décès ou pour avoir déjà participé à l'étude pilote). L'étude a porté sur une population de 34 patients, dont la plupart sont des femmes (n=25) et la moyenne d'âge 82.8 ans. La plupart des patients sont par conséquent très âgés, ont un niveau d'enseignement inférieur et sont veufs (veuves).

Il apparaît des données MMS qu'exactement la moitié (n=55) des patients admis au cours de l'étude sur le terrain souffrent de troubles cognitifs légers ou plus graves. Tous les patients repris dans l'étude pilote obtiennent un score MMS qui ne laisse pas présager de troubles cognitifs. L'étude pilote a fait apparaître que les questionnaires posaient problème quant aux concepts auprès des patients dont le score MMS est inférieur à 24 sur 30. Il était donc inutile de leur soumettre ces questions.

A l'aide des six dimensions ADL, nous constatons trois différences significatives entre le moment 1 et le moment 2 (minimum 15 jours - maximum 4 semaines) pour se laver, s'habiller et se nourrir. La nature des données nous permet de constater que le groupe des patients est plus indépendant au cours du deuxième interrogatoire pour ce qui est de ces trois dimensions. Pour ce qui est de l'utilisation de la toilette, les déplacements et l'incontinence, il n'existe aucune différence significative entre le moment 1 et le moment 2. Aucune amélioration ni détérioration ne peut être constatée.

Au moyen des données Katz (issues des dimensions ADL), nous répartissons les patients en un groupe de 18 patients indépendants et 16 patients dépendants.

Les résultats obtenus à l'aide de l'ACSA peuvent être divisés en quatre catégories.

Les premiers résultats proviennent des questions ACSA portant sur la période de vie la meilleure et la plus mauvaise du patient. Les réponses sont fort divergentes, tous patients confondus, et également au niveau des patients individuels. Les réponses portant sur la période la plus mauvaise diffèrent, tous patients confondus, pour ce qui est du contenu. La période la plus mauvaise peut correspondre à la 'dimension corporelle', à la 'dimension émotionnelle' et à la 'dimension sociale'. Le test- retest donne une même réponse pour 11 patients et une réponse différente pour 23 patients. Il y a moins de variation pour ce qui est de la période la meilleure, tandis que le contenu de la réponse appartient le plus souvent au 'domaine familial'. Le test- retest entraîne une même réponse pour 27 patients et une réponse différente pour 7 patients.

Nous avons en second lieu obtenu les réponses ACSA pour ce qui est de la maladie, à savoir l'évaluation globale du bien- être au moment où la maladie s'est manifestée. Treize patients ont évalué négativement cette période de la maladie, ce qui était à prévoir. Sept patients n'évaluent la période de maladie ni positivement ni négativement. Malgré leur maladie, quatorze patients ont évalué positivement cette période. La médiane ACSA de la maladie se situe dans la catégorie de réponse neutre 'ni bon, ni mauvais'.

En troisième lieu, on a évalué globalement le fait de se sentir bien au cours de toute la vie, à l'exception de la dernière période de maladie, ou l'ACSA de base. Cette question a été posée à deux reprises (au moment 1 et 2). Pour ce qui est de l'ACSA de base 1, 16 patients donnent une évaluation négative, 7 une évaluation neutre et 10 une évaluation positive. Nous n'avons trouvé aucune différence significative entre l'ACSA de base 1 et 2. L'absence d'une telle différence significative entre l'ACSA de base 1 et 2 peut indiquer une mesure fiable. La différence constatée au niveau de la médiane entre les deux moments est à son tour une indication du contraire. La répartition de l'ACSA de base 2 en une dimension corporelle, psychologique et sociale n'a pas apporté de résultats significatifs.

L'ACSA actuelle, pour finir, fournit l'évaluation du patient quant à son bien- être global pour ce qui est de la période actuelle. Cette question n'a été posée qu'une seule fois, à savoir à l'occasion de la deuxième enquête. Dix- sept patients ont évalué positivement l'ACSA actuelle, neuf de manière neutre et sept négativement. Un seul patient n'a pas répondu à cette question. La répartition de l'ACSA actuelle en une dimension corporelle, psychologique et sociale n'a également pas rapporté de résultats significatifs.

Les données obtenues à l'aide du LSI entraînent la conclusion générale suivante: la littérature examine un certain nombre d'analyses de facteurs effectuées sur les résultats LSI mais nous n'avons pas trouvé de résultats comparables.

Le nombre de répondants à cette étude est trop réduit pour faire des jugements fiables en partant d'une analyse des facteurs. Comme alternative à l'analyse des facteurs, nous avons analysé le contenu des thèmes LSI.

Les thèmes sont répartis en quatre dimensions selon le contenu. La plupart des patients évaluent positivement le passé, mais pour ce qui est des réalisations, le groupe est divisé. La période actuelle n'est pas évaluée positivement par la plupart des patients, contrairement à l'ACSA actuelle. Vu l'hospitalisation, on peut comprendre que la période actuelle ne soit pas évaluée positivement.

Lorsqu'on demande aux patients de se comparer à d'autres, la plupart établissent un bilan positif.

A la fin de la deuxième interview, le patient a été prié de s'auto- évaluer en général. Dix- neuf patients s'auto- évaluent positivement, neuf de manière neutre et cinq négativement. Un répondant n'a pas donné de réponse.

La comparaison des résultats des instruments de mesure objectifs (MMS et Katz) et subjectifs (ACSA et LSI) fournit les résultats suivants:

1. Il n'y a pas de différences significatives après avoir comparé MMS et Katz. Cela répond aux attentes. Le statut psychologique objectif semble être dissocié du statut corporel objectif.

2. La comparaison d'instruments de mesure objectifs et subjectifs ne fournit pas de résultats significatifs.

3. La comparaison d'ACSA et du LSI s'effectue de deux manières. L'ACSA de base a en premier lieu été comparé aux résultats obtenus avec les thèmes LSI qui, du point de vue du contenu, portent sur la vie antérieure. Il en ressort que la relation entre l'ACSA et le LSI est minime, étant donné que l'on a pas trouvé de corrélations significatives.

Nous avons sélectionné par la suite une série de thèmes se rapportant au LSI, se référant à la même période que l'ACSA actuelle. Nous avons rencontré trois thèmes présentant une corrélation significative (variant de .44 à .57) avec l'ACSA actuelle.

Les résultats de recherche ne permettent pas de conclure à la présence d'une relation solide entre l'ACSA et le LSI. Des recherches supplémentaires sont nécessaires sur la fiabilité et la validité de l'ACSA auprès des patients gériatriques.

La principale mission de cette recherche était d'étudier l'utilité des instruments de mesure subjectifs ACSA et LSI auprès de la population gériatrique.

Nous avons identifié le nombre des problèmes et leur nature lors de l'enquête portant sur l'ACSA. Des problèmes surgissent au niveau de l'enquête avec l'instrument. Comme indiqué lors de la discussion sur les données ACSA, les répondants donnent une réponse différente à la même question posée dans le cadre des deux enquêtes. Une mémoire défaillante peut influencer négativement la reproductibilité. Le concept de la méthode peut être remise en question par certains répondants. Traduire la sensation de 'se sentir bien' en une cotation (étude pilote) ou l'identifier au sein de sept catégories de réponse (étude sur le terrain) est un tâche trop difficile pour certains répondants.

Certains répondants prennent énormément de temps pour ce qui est de l'ACSA. Ils commencent à raconter leur vie et il n'est pas toujours possible de les interrompre. Des répondants assez nombreux se basent sur le fait de 'se sentir bien physiquement' comme facteur unique déterminant le 'score ACSA actuel'. Cela signifie que ce score ne donne pas une vue globale sur le fait de se sentir bien, étant donné que les répondants n'ont pas agrégé tous les domaines de la vie avant d'en arriver à un score. Certains répondants sont sous l'effet de l'humeur de la journée. Une affection peut gêner le répondant de telle manière que ce dernier n'est plus en mesure de penser à la période antérieure à sa maladie, au cours de laquelle il se sentait bien. Pour d'aucun, comparer la période 'au cours de laquelle on se sentait bien avant de devenir malade', la période 'au cours de laquelle on se sentait bien depuis la maladie' et la 'période actuelle au cours de laquelle on se sent bien' avec 'la meilleure et la plus mauvaise période de la vie' est une lourde tâche, voire impossible.

Partant de la répartition des répondants selon le score MMS et des problèmes liés à l'enquête portant sur l'ACSA dans le cadre de l'étude pilote, un MMS élevé ne paraît pas constituer une garantie pour une enquête sans difficulté.

Nous avons identifié le nombre des problèmes et leur nature à l'occasion de l'enquête sur le LSI.

Le contenu de certains thèmes du LSI ne sont pas aussi compréhensibles pour la totalité des répondants. Certains répondants ne comprennent pas le but de cette méthode. Ils continuent à parler de leurs problèmes personnels sans répondre au thème en question. Il se peut qu'il y ait des répondants qui ne donnent que l'impression de comprendre la méthode. Aussi se pose- t- il un problème de validité pour certains thèmes.

Le degré d'abstraction des phrases présente des avantages et des désavantages : l'avantage est que l'implication, et donc le risque de débordements émotionnels est réduit, le désavantage est que les phrases ne sont parfois pas comprises. Vingt questions peuvent être trop pour certains répondants.

Deux recherches auxiliaires ont été effectuées:

Une première étude (à échelle réduite) a eu lieu sur la Qualité de vie de patients psychiatriques chroniques lors du passage d'une hospitalisation complète vers un 'habitat protégé'. Moyennant quelques précautions à prendre, on peut conclure que la qualité de vie des patients tire profit de ce passage.

Une deuxième étude a été effectuée auprès des médecins de famille en Flandre, pour sonder les connaissances, les attitudes et les aptitudes de ce groupe quant au traitement des douleurs des cancéreux au stade terminal.

La conclusion la plus importante à tirer de cette étude est que beaucoup de médecins ne croient pas pouvoir calmer les douleurs dans leur totalité, malgré la présence en suffisance de moyens thérapeutiques. Il ressort de recherches émanant de l'OMS qu'il est réellement possible de calmer les douleurs dans leur totalité, moyennant une médication, des dosages et une fréquence adéquats. Quand on compare le comportement des médecins de famille à ces résultats avancés par l'OMS, on constate une série de lacunes auprès de beaucoup de médecins de famille quant aux aptitudes et attitudes pour calmer les douleurs des cancéreux au stade terminal.

Pour finir, on fait rapport de l'étude portant sur la qualité de vie des patients subissant un traitement médicamenteux. Celle- ci dépend en large mesure du soi- disant rapport risques/bénéfices ou de l'index thérapeutique entre l'efficacité et les effets secondaires. Jusqu'à 10% des hospitalisations sont dues aux effets secondaires des médicaments. Il est donc extrêmement important de quantifier avec précision les effets secondaires intrinsèques ou imputables lors de l'analyse des médicaments. Cela a conduit au développement d'un modèle d'interaction entre l'efficacité (A) et les effets secondaires (E) des médicaments totalement nouveau et solutionnant un problème ancien.


Publication:

Kwaliteit van het leven in kost-utiliteitsberekeningen.
Prof. dr. J. BERNHEIM, VUB, 1995

épuisé