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MOTIVATION DES FONCTIONNAIRES

Prof. dr. R. Depre, KU Leuven


SYNTHESE

A. INTRODUCTION

Bien que le fonctionnement des pouvoirs publics ait toujours fait l'objet de critiques, le mécontentement lié à la manière de travailler à l'administration est en progression constante ces dernières années. La démotivation des fonctionnaires est souvent citée comme l'une des causes de ce mauvais fonctionnement. Plusieurs facteurs expliqueraient cette démotivation: les nominations politiques, la lourdeur bureaucratique, la politique de rémunération, les conditions de travail, etc.

Nous sommes toutefois d'avis que le problème de la démotivation des fonctionnaires se situe à un niveau plus fondamental et qu'il s'agit d'un problème structurel. Au fond, le système de motivation à l'administration repose sur deux grands piliers: le service à la collectivité et la perspective d'une carrière. Les fonctionnaires tirent leur motivation du double fait qu'ils "servent l'intérêt général" et que l'administration leur offre la perspective d'une carrière qui (du moins en théorie) se déroulerait selon des critères objectifs.

Notre hypothèse est actuellement que ce système de motivation a perdu de sa vigueur et ne suffit plus pour motiver les fonctionnaires. Pouvoir être au service de la société a en quelque sorte perdu de son attrait. Et le système de carrière ne peut agir sur la motivation que s'il est satisfait à un certain nombre de conditions: les fonctionnaires doivent viser des promotions; l'organisation doit offrir suffisamment de possibilités de promotion; il doit exister un lien entre la prestation et la carrière. Ici aussi nous constatons que ces conditions ne sont pas toujours remplies.

Nous pensons que, si l'on souhaite motiver les fonctionnaires pour l'avenir, il va falloir "élargir" et "différencier" le système de motivation. Cela signifie que l'on devra embrasser différents facteurs autres que seulement l'idée du service à la collectivité et la perspective de promotions. Le schéma motivationnel doit peut- être être dessiné en fonction de diverses catégories de fonctionnaires parce que des recherches ont en effet montré que divers groupes de fonctionnaires se sentent attirés par d'autres facteurs de motivation.

La présente enquête étudie cette problématique. Au fond, l'enquête veut donner une réponse à trois questions. Quelles sont la motivation et la satisfaction des fonctionnaires? Quels sont les facteurs qui les motivent et y a- t- il des différences en fonction de la catégorie de fonctionnaires? Quelles mesures prendre pour optimaliser la motivation des fonctionnaires?

L'enquête est une enquête appliquée d'appui à la politique. Cela signifie que les résultats de l'enquête doivent être utiles pour les responsables. A partir de cette préoccupation, l'enquête n'a pas mis tant l'accent sur la perception du processus motivationnel, à savoir ce qui se passe dans la tête des fonctionnaires, que sur les facteurs susceptibles d'influencer la motivation et la satisfaction. L'enquête se propose, en d'autres termes, de fournir des instruments au management en vue d'améliorer la motivation et la satisfaction des fonctionnaires.


B. THEORIES DE LA MOTIVATION ET FACTEURS DE MOTIVATION

Le comportement humain peut être considéré comme la réaction (R) d'un organisme (O) à certains stimuli (S). Schématiquement, cela peut se représenter comme suit:

Stimuli (S) - - - > 0rganisme (0) - - - > Réactions, Résultats (R)

Processus de motivation

Les stimuli qui exercent une influence sur l'organisme sont à la fois internes et externes. Galbraith parle à ce propos du modèle d'influence: l'individu a le choix entre différents comportements possibles. En matière de motivation, nous pouvons parler des facteurs qui peuvent influencer la motivation.

L'individu doit lui- même opérer un choix parmi les différents comportements ou facteurs d'influence. C'est ce que Galbraith appelle le modèle motivationnel. La motivation fait alors référence à l'énergie fournie pour atteindre certains buts

A la question de savoir ce qui pousse les individus à investir cette énergie, la littérature spécialisée apporte des réponses divergentes. D'une part, les théories des besoins affirment que le moteur est constitué des besoins humains (le besoin de considération, de réalisation de soi, etc.). D'autre part, des théories mettent surtout l'accent sur les processus cognitifs, en fonction desquels l'individu opère un choix dans la diversité des comportements possibles: la théorie de l'équité d'Adams, la théorie des attentes de Vroom, la théorie des objectifs de Locke, le modèle perspectif constructiviste de De Moor.

Le processus motivationnel conduit à fournir certains efforts qui, à leur tour, aboutissent à certains résultats. Ces résultats sont ou non récompensés, ce qui génère une satisfaction ou une insatisfaction.

Il existe dès lors une différence fondamentale entre, d'une part, la motivation et, de l'autre, la satisfaction: la motivation renvoie à l'énergie fournie, tandis que la satisfaction est l'un des résultats de ce comportement. La motivation est donc pro-active, tandis que la satisfaction est une réaction qu'induit la rétrospective sur la situation: il s'agit d'un sentiment de bien- être dans une situation de travail.

Comme nous l'avons déjà dit, la présente enquête sur la "Motivation des fonctionnaires" est une enquête appliquée centrée non tant sur le modèle motivationnel que sur le modèle d'influence. Nous souhaitons donc nous faire une idée des instruments que le management peut utiliser pour accroître la motivation et la satisfaction des fonctionnaires.

C'est pourquoi nous avons parcouru la littérature spécialisée à la recherche de facteurs de motivation et de satisfaction. Nous avons finalement retenu huit facteurs qui peuvent être répartis en trois catégories:

- facteurs liés au travail: le travail proprement dit;

- facteurs provenant de l'environnement de travail immédiat: la direction, les contacts sociaux, les conditions de travail;

- facteurs issus de l'organisation et de l'environnement plus large: l'organisation, la carrière, le traitement, les conditions de travail secondaires.

Dans l'enquête, nous avons donc vérifié dans quelle mesure ces facteurs influencent la motivation et la satisfaction des fonctionnaires.


C. METHODOLOGIE ET STRATEGIE DE L'ENQUETE

Pour l'enquête sur la "Motivation des fonctionnaires", nous avons étudié le cas du Ministère des Finances. Ce choix a été dicté tant par des considérations de pertinence sociale que par des considérations pragmatiques. Le Ministère des Finances est en effet un ministère important et de grande taille. En outre, nous avons, dès le début, pu compter sur une bonne collaboration de la part de ce ministère.

Outre le choix d'une étude de cas, nous avons choisi de mener un interrogatoire (postenquête) auprès d'un échantillon représentatif de l'ensemble des fonctionnaires du Ministère (à l'exclusion des germanophones). La population a été préalablement répartie en un certain nombre de couches en fonction de quatre critères: l'administration, le rôle linguistique, la localisation (administration centrale - service extérieur) et le niveau. Dans chaque couche, un échantillon a été prélevé aléatoirement, qui, en nombre, était proportionnel à la taille de la couche concernée par rapport à l'ensemble. Finalement, 1.565 questionnaires ont été envoyés en juin 1993. Le taux de réponse était de 74%, soit 1.159 questionnaires, ce que l'on peut qualifier de très élevé.


D. LA MOTIVATION ET LA SATISFACTION DES FONCTIONNAIRES DES FINANCES

La première question à laquelle le questionnaire tentait d'apporter une réponse concernait donc le degré de motivation et de satisfaction des fonctionnaires.

La motivation et la satisfaction ont été mesurées de deux manières, l'une directe et l'autre indirecte.

L'évaluation directe a été faite en posant aux fonctionnaires la question de savoir dans quelle mesure ils étaient motivés (Q21) et satisfaits (Q27). Ces questions mesurent donc ce que chaque fonctionnaire considère être sa motivation et sa satisfaction.

L'approche indirecte a consisté à mesurer la motivation et la satisfaction à l'aide d'une échelle élaborée par les enquêteurs au moyen de différents énoncés sur la motivation et la satisfaction. A côté d'un indice général de motivation (MOTINDICE) et de satisfaction (SATINDICE), il a également été créé un indice de satisfaction vis- à- vis du travail (JOBSAT), par rapport au service (SATSERVICE) et par rapport à la carrière au Ministère des Finances (SATFIN).

Il ressort des résultats que les fonctionnaires du Ministère des Finances sont en général relativement motivés et satisfaits.

Si l'on vérifie la répartition des fréquences, on constate que, pour la question directe sur la motivation, 43% des fonctionnaires atteignent un score de 6 ou plus, tandis que 6,5% des fonctionnaires sont sous la barre des 3. Pour la question directe sur la satisfaction, la répartition est plus concentrée autour de la zone médiane de l'échelle. 24% des fonctionnaires ont un score de 6 ou plus; 34% se situent entre 5 et 6; et 42% sont en- deçà des 5 points.

Les récits largement répandus, selon lesquels les fonctionnaires sont totalement démotivés, insatisfaits et usés à force de travail, ne correspondent donc pas aux résultats que nous avons obtenus au Ministère des Finances.

Il n'y a toutefois pas lieu d'en conclure qu'il n'existe aucun problème de motivation. En dépit des scores relativement élevés en matière de motivation et de satisfaction, nous constatons que nombre de fonctionnaires prétendent que le travail n'occupe pas une place aussi centrale dans leur vie. Il serait dès lors erroné de conclure que les fonctionnaires des Finances vivent uniquement pour leur travail.

Il est également intéressant de constater que le schéma motivationnel traditionnel du fonctionnaire, à savoir le fait que l'on s'acquitte le mieux possible de son travail parce que c'est son devoir de fonctionnaire, est encore celui d'une majorité de fonctionnaires. Le score moyen pour cet item est de 5,6 sur une échelle qui compte 7 niveaux. L'enquête fait également apparaître que s'acquitter de son travail par conscience professionnelle ne corrèle que très peu avec les indices de motivation et de satisfaction. Cela indique que le sens du devoir et le souci de rendre un service au public participent au modèle de valeurs et à la perception de son rôle social par le fonctionnaire, et ne sont pas perçus comme un facteur de motivation. Ce facteur ne peut dès lors pas être négligé dans le cadre d'une politique de la motivation. Il ne suffit toutefois plus de s'adresser à un large groupe de fonctionnaires. Le schéma motivationnel traditionnel devra être complété d'aspects intrinsèques au travail, d'autant plus que l'on a constaté que la conscience professionnelle diminue avec l'âge.


E. FACTEURS DE (DE)MOTIVATION ET D'(IN)SATISFACTION

Comme pour la motivation et la satisfaction, l'enquête vérifie directement et indirectement quels sont les facteurs qui exercent une influence sur la motivation et la satisfaction des fonctionnaires. Dans l'approche directe, nous avons personnellement demandé aux fonctionnaires ce qui les motivait ou les démotivait et ce qui les rendait satisfaits ou insatisfaits. Dans l'approche indirecte, nous avons dressé des échelles pour les différents facteurs et avons ensuite corrélés ceux- ci avec les indices de motivation et de satisfaction.

Les deux approches dégagent un certain nombre de concordances, mais également certaines différences.

1. Facteurs de (dé)motivation et d'(in)satisfaction suivant les fonctionnaires

Les fonctionnaires prétendent eux- mêmes qu'ils tirent principalement leur motivation dans la nature de leur travail (la variété, l'autonomie, l'importance du travail pour la société) et des contacts sociaux qu'entraîne le travail, tant les contacts avec les collègues que ceux avec les clients. Ils sont relativement satisfaits des conditions de travail secondaires. en particulier de la souplesse de l'horaire et de la sécurité d'emploi.

Les facteurs qui suscitent la démotivation ont selon les fonctionnaires surtout à faire à l'organisation: la bureaucratie, le management, la communication interne, l'insuffisance des effectifs. Le management et la politique menée au sommet de la hiérarchie sont perçus comme trop éloignés de la réalité. La législation compliquée et en rapide mutation aurait également un impact démotivant. Les chefs exprimeraient trop peu leur considération et tiendraient trop peu compte de l'être humain derrière le fonctionnaire. Il y aurait également beaucoup de choses à changer sur le plan des conditions de travail (implantation, matériel, informatique).

2. Facteurs de (dé)motivation et d'(in)satisfaction selon les corrélations

Nous pouvons déduire de l'enquête que les indices de motivation et de satisfaction sont surtout en forte corrélation avec des aspects qui ont trait au travail, à l'organisation, aux contacts sociaux et au style de direction.

Pour le travail, il y a un lien clair entre, d'une part, la motivation et la satisfaction et, de l'autre, des aspects comme l'autonomie, la variété, le travail comme un tout, le feedback que l'on reçoit dans le travail, tant du travail lui- même que des collègues. Ceci confirme les nombreuses théories et enquêtes qui considèrent le travail comme très important pour la motivation et la satisfaction (cfr. Herzberg, Hackman et Oldham, etc.).

Le facteur direction (en particulier un style de direction axé sur l'homme, et non autoritaire) corrèle fortement avec les indices de satisfaction, mais pas avec la motivation. Nous avons constaté que les agents, qui perçoivent le style de direction comme axé tant sur les tâches que sur l'être humain, sont, de manière significative, plus motivés que les agents dont le chef ne présente pas cette combinaison de style de direction. La différence est donc faite par les chefs qui combinent l'aspect humain et l'aspect travail dans leur style de direction. Si l'on souhaite accroître la motivation parmi les fonctionnaires du Ministère des Finances, on devrait dès lors pouvoir stimuler les chefs à faire attention aussi bien à l'être humain derrière le fonctionnaire qu'aux résultats du service.

Pour le facteur contacts sociaux, nous constatons qu'il y a un haut degré de corrélation entre les différents indices de satisfaction et les contacts sociaux avec les collègues. Un esprit de groupe positif, une bonne entente et une bonne collaboration avec les collègues favoriseront donc la satisfaction. Une bonne relation avec les clients exercera par ailleurs également une influence positive sur la motivation.

Pour le facteur carrière, nous avons uniquement trouvé un lien positif entre l'indice de motivation et la disposition à faire des sacrifices. Celui qui souhaite faire davantage de sacrifices en vue de la carrière (p.ex. moins de temps libres, davantage de navettes, moins de temps à consacrer à la famille) est plus motivé.

Outre la disposition à faire des sacrifices, nous avons également étudié, en lien avec la carrière, s'il existait une relation entre, d'une part, la motivation et la satisfaction et, de l'autre, les chances de promotion. Ces corrélations étaient toutefois très faibles. Cela va à l'encontre de la philosophie de base de la fonction publique selon laquelle les fonctionnaires sont surtout motivés par la perspective d'une carrière. Cette philosophie de base semble, pour le Ministère des Finances, ne pas tout à fait tenir debout (à l'exception du niveau 1). Les fonctionnaires souhaitent une carrière, mais pas à n'importe quel prix.

Le phénomène de carrière bloquée (c'est- à- dire les chances de promotion qui tardent à venir) ne semble également pas être une question problématique au Ministère des Finances: la plupart des fonctionnaires prétendent qu'ils poursuivront leur travail comme auparavant. Pour certains, la situation de carrière bloquée est également la conséquence d'un choix délibéré: lorsque l'on ne participe plus à des examens de promotion, on sait que les chances de carrière se ferment dans de nombreux cas.

Pour le facteur organisation, nous trouvons un lien positif entre, d'une part, des aspects comme l'autonomie et la variété (cfr. supra) et, de l'autre, la motivation et la satisfaction. A côté de cela, la qualité du management exerce également une grande influence. Lorsqu'il est perçu positivement, le management du Ministère des Finances et du service favorise la motivation et la satisfaction. La communication interne au sein du Ministère et au sein du service (participation aux décisions) joue également un rôle. Enfin, il importe que les fonctionnaires connaissent le but de leur travail et puissent souscrire à ces objectifs

Il y a toutefois lieu de remarquer qu'un certain nombre d'aspects de l'organisation, comme la hiérarchie et le formalisme, ne présentent aucune corrélation, ni avec la satisfaction, ni avec la motivation. Cela s'inscrit en faux contre les résultats d'autres enquêtes et également contre ce que les fonctionnaires eux- mêmes prétendent à ce propos. Il faut cependant chercher une explication de ces résultats dans le système. Si on s'insère dans un système, on accepte qu'il faille se conformer aux règles légitimement prescrites. C'est en fait une des pierres angulaires d'un système bureaucratique comme le décrit Max Weber. L'identification au système, les traditions, les valeurs et les normes assimilées expliquent également certains comportements motivationnels. Ce pourrait être une explication acceptable pour une grande organisation comme le Ministère des Finances.

Parmi les absents de marque dans cette énumération de facteurs qui présentent une relation avec la motivation et la satisfaction, il y a la rémunération et les conditions de travail. Les corrélations font apparaître que ces facteurs sont négligeables. Bien que les fonctionnaires estiment en général que leur traitement n'est pas équitable, cela n'a, semble- t- il, aucune influence sur leur motivation et leur satisfaction. Il en va de même des conditions de travail.


F. MESURES RELATIVES A LA POLITIQUE

Un troisième objectif de l'enquête consistait à proposer des mesures relatives à la politique, qui puissent accroître la motivation et la satisfaction des fonctionnaires. Nous reprenons tout d'abord les avis des fonctionnaires. Nous donnerons ensuite les mesures qui découlent des analyses statistiques.

1. Mesures selon les fonctionnaires

Dans notre enquête, nous avons directement posé aux fonctionnaires la question de savoir quelles étaient les cinq mesures qui devraient être appliquées afin de (re)motiver de façon optimale les fonctionnaires du Ministère actuellement peu motivés. Les réponses devaient être classées par ordre d'importance: la mesure la plus importante devait figurer en premier lieu. Les mesures suivantes ont été proposées:

1) sur le plan de l'organisation:

L'accroissement des effectifs, l'amélioration du management, l'amélioration de la circulation de l'information, l'atténuation du caractère bureaucratique du département;

2) sur le plan de la carrière:

L'introduction d'un système d'évaluation plus efficace et davantage axé sur les objectifs, un changement du système d'examens;

3) une rémunération plus élevée et une liaison du traitement aux prestations; 4) une amélioration des conditions de travail.

Un matériel adapté et en quantité supérieure, davantage de PC plus modernes, une implantation confortable;

5) un changement dans l'attitude du chef direct.

Plus de considération pour le travail fourni, une attitude davantage axée sur les personnes.

2. Mesures selon les analyses statistiques

Les mesures relatives à la politique qui visent à rehausser le niveau de motivation et de satisfaction des fonctionnaires ne peuvent pas être inférées directement des corrélations. Les corrélations indiquent en effet la mesure dans laquelle deux variables évoluent conjointement. Elles n'indiquent pas l'impact direct d'une variable sur une autre (p. ex. la motivation ou la satisfaction).

Pour découvrir cet impact, nous avons calculé des équations de régression. Dans une équation de régression, la variation au niveau des variables dépendantes (les indices de motivation et de satisfaction) s'explique à partir d'une ou de plusieurs variables indépendantes (les facteurs de motivation et de satisfaction).

Le pouvoir d'interprétation du modèle est exprimé par le coefficient de détermination (R2), c'est- à- dire le pourcentage des différences dans la motivation et la satisfaction qu'expliquent les facteurs repris dans l'équation de régression.

Pour la mesure indirecte de la motivation (MOTINDICE), nous avons obtenu un R2 de 41%. Pour la mesure directe de la motivation (Q21), R2 s'élève à 47%. Et pour la mesure directe et indirecte de la satisfaction (SATINDICE et Q27), R2 est respectivement de 59% et de 46%.

Compte tenu du caractère toutefois complexe de la motivation et de la satisfaction, on peut qualifier ces résultats de bons. Cela signifie en effet qu'environ la moitié des différences en matière de motivation et de satisfaction peuvent s'expliquer par des facteurs qui ont été retenus dans le modèle de régression

Lorsque nous considérons les variables indépendantes avec leurs coefficients de régression qui ont été retenus dans les analyses de régression, nous pouvons dire qu'un certain nombre de variables cruciales entrent dans l'explication de la motivation et de la satisfaction:

- l'orientation du travail vers les objectifs;

- la variété du travail;

- le management des Finances;

- un esprit de groupe positif;

- la communication interne;

- le sens du travail;

- la disposition à faire des sacrifices;

- l'autonomie;

- l'image du service.

A partir de ces résultats, nous pouvons formuler les recommandations suivantes:

1) Lors de la description du travail, on doit faire attention au'job design". En d'autres termes, le travail doit être décrit de telle manière qu'il favorise la motivation intrinsèque. Il importe, dans ce cadre, que l'on fasse une place aussi grande que possible à la variété, de manière que ceux qui remplissent les fonctions puissent utiliser diverses aptitudes et capacités. L'autonomie dans le travail, c'est- à- dire le fait de pouvoir régler soi- même son travail, est également un élément qui favorise la motivation. Finalement, les fonctionnaires doivent percevoir leur travail comme ayant une signification.

Un travail intéressant sur le plan du contenu et qui constitue un défi est d'autant plus important au Ministère des Finances que nombre de fonctionnaires se trouvent dans une situation de carrière bloquée. Ils tireront dès lors leur motivation moins de la perspective d'une carrière que de leur travail actuel.

2) Bien que l'orientation du travail vers les objectifs au Ministère des Finances soit déjà élevée, nous pouvons conseiller, à la lumière de la présente enquête, d'y consacrer davantage d'attention encore. Les fonctionnaires doivent avoir une idée claire de ce qu'on attend d'eux. Il importe également qu'ils puissent souscrire aux objectifs de leur travail. Les fonctionnaires doivent dès lors être impliqués dans le processus de formulation des objectifs. Ceci cadre dans la conception actuelle du management en matière de responsabilité, de responsabilisation et d'auto- gestion. L'élaboration d'un état de mission pour le Ministère des Finances peut y contribuer.

3) L'enquête a démontré que la perception du management du Ministère des Finances exerce une influence non négligeable sur la motivation et la satisfaction. Nous constatons en même temps que cette perception n'est pas très positive. Nombre de fonctionnaires ont l'impression que le Ministère n'est pas bien dirigé et administré, qu'il est mal structuré sur le plan organisationnel, qu'il est rétrograde, qu'il freine les prestations, qu'il répond de façon insuffisante aux besoins des citoyens, et qu'il est peu enclin à accepter les idées nouvelles. Si l'on souhaite donc changer la perception des fonctionnaires, il va falloir s'attaquer à ces aspects.

Il importe également que l'image du service dans lequel on travaille soit positive, de sorte que l'on puisse dire avec fierté dans quel service on travaille. Ceci implique que l'on s'occupe de la formation de l'image des services au Ministère des Finances.

4) L'esprit de collaboration et de collégialité exerce clairement une influence sur la motivation et la satisfaction et doit dès lors être favorisé. Il est conseillé que l'on s'occupe du travail en équipe. L'enquête fait en effet apparaître que nombre de fonctionnaires effectuent leur travail de façon relativement isolée.

5) Un autre facteur important qui influe sur la motivation et la satisfaction des fonctionnaires est la communication interne. De nombreux fonctionnaires se plaignent du fait que la circulation de l'information au sein du Ministère présente des imperfections. L'information que l'on reçoit serait souvent dépassée. On a également le sentiment que le sommet de la hiérarchie vit dans une "tour d'ivoire" et ne perçoit pas suffisamment les problèmes sur le terrain. Il est donc recommandé d'améliorer les mécanismes de la communication interne, de sorte que la base soit bien informée de ce qui se passe au sommet mais aussi inversement.

En conclusion, nous pouvons encore formuler une recommandation générale à propos de la Politique des Ressources Humaines au Ministère des Finances. Dans le cycle de la Gestion des Ressources Humaines, les examens occupent une place centrale. La sélection a lieu par examens; la carrière est en grande partie basée sur des examens; la formation est organisée en fonction d'examens; etc. On a l'impression (et nombreux sont les fonctionnaires qui la partagent) que les prestations journalières ont, tant dans la carrière et l'évaluation que dans la rémunération, moins de valeur que les résultats des examens. C'est pourquoi il est recommandé de rétablir un meilleur équilibre entre les examens et les prestations

Une première impulsion dans ce sens pourrait consister à élaborer un nouveau système d'évaluation des prestations qui remplacerait l'actuel signalement. Des entretiens de fonctionnement entre les chefs et les collaborateurs peuvent les compléter et peuvent en même temps jeter une lumière nouvelle et plus moderne sur la position du chef direct.

Si les examens sont maintenus comme moyen de sélection et de promotion, il faut veiller à ce qu'ils soient axés sur la future fonction ou carrière. Il importe également que tous les fonctionnaires bénéficient de chances égales pour se préparer aux examens. A cet égard, nous voulons attirer l'attention sur la lourde charge (qui repose surtout sur les épaules des femmes) de combiner la préparation aux examens avec la vie de famille. Les fonctionnaires devraient également clairement savoir à quoi les examens mènent et dans quelle mesure il pourrait éventuellement en résulter un changement d'affectation.

Dans le cadre de la politique de Gestion des Ressources Humaines, les facteurs promoteurs de motivation pourraient être accentués dans les programmes de formation existants du département.

Pour conclure, nous avons l'impression que la carrière au Ministère des Finances est encore fort axée sur un ancrage de carrière technico- fonctionnel. Peut- être pourrait- elle être complétée par une carrière orientée vers le management qui préparerait les fonctionnaires à des tâches de management.

Le fait qu'un nombre aussi élevé de fonctionnaires du Ministère des Finances aient répondu au questionnaire et l'aient complété avec précision, indique qu'ils prennent à coeur et leur travail et le Ministère. A n'en pas douter espèrent- ils en retour que soient prises des mesures appropriées en vue d'améliorer la motivation et la satisfaction au Ministère.


Publication:

Motivatie van ambtenaren.
Prof. dr. R. DEPRE, KU Leuven, 1995

épuisé