Avertissement


FAIRE OU FAIRE FAIRE ?

Prof. dr. A. Martens, K. Timmerman, KU Leuven, C. Sels,


INTRODUCTION

L'économie de services a connu un développement spectaculaire au cours de la seconde moitié du vingtième siècle. Au fil des années, différentes théories ont été élaborées en vue d'expliquer cette évolution: d'aucuns évoquent la société néo-industrielle (Gershuny), d'autres la société postindustrielle (Fourastié et Bell). Standback a une vision plus nuancée et considère la complexification croissante des contextes interne et externe de l'entreprise comme l'explication principale. Selon lui, la transformation des matières premières en produits de consommation est devenue un problème tellement complexe qu'elle ne peut plus être réalisée que par un système de services élaboré.

Les services aux entreprises constituent dès lors un groupe important dans l'ensemble du secteur tertiaire. Afin de faire face à la complexification à l'intérieur et à l'extérieur d'elles-mêmes, de nombreuses entreprises font appel à des prestataires de services extérieurs.

Dans le présent document , nous nous sommes particulièrement attachés à l'examen de ces services aux entreprises en matière de gestion du personnel. La question de départ était : "qu'offrent ces services dans le contexte belge ?" Nous avons considéré quatre sortes de services, à savoir : (1) les bureaux de recrutement et de sélection et les bureaux de sélection de cadres, (2) les agences d'intérim, (3) les secrétariats sociaux agréés et (4) les cabinets d'outplacement. Pour chacun de ces services, nous avons examiné les caractéristiques générales (nombre de bureaux, répartition, taille, groupe-cible,...) et les stratégies utilisées par ces prestataires de services afin de se manifester en tant que tels. En ce qui concerne ce dernier point, nous sommes en tout cas convaincus du fait que les services aux entreprises ne peuvent être considérés comme une organisation docile qui serait simplement le fruit d'une demande particulière émanant des entreprises. L'utilisation d'un service peut, il est vrai, être considérée comme la résultante d'une sorte d'analyse des coûts et profits, réalisée par l'entreprise qui va consommer le service (allons-nous le faire ou le faire faire ?), mais dans le même temps, il importe, selon nous, de ne pas oublier le fait que les organisations prestataires de services mettront elles-mêmes tout en oeuvre, afin que cette résultante leur soit favorable.

En fonction de l'état actuel de nos connaissances, nous avons choisi, pour chacun des quatre services, une approche méthodologique distincte. Nous avons interrogé, par téléphone, un échantillon de bureaux de recrutement et sélection et de bureaux de sélection de cadres, ainsi qu'un certain nombre de cabinets d'outplacement. Les résultats de cette enquête ont été complétés par des interviews. Quant aux agences d'intérim, nous avons opté pour une formule d'interview personnelle d'un certain nombre de personnes occupant des postes élevés en leur sein. L'enquête au niveau des secrétariats sociaux agréés a été réalisée sur la base d'informations et de données statistiques fournies par l'Office national de la Sécurité sociale.


RESULTATS DE L'ENQUETE

1. Bureaux de recrutement et de sélection et bureaux de headhunting

Sur la base de plusieurs listes (guide des pages d'or, guide de personnel, services de recrutement en Belgique,...), nous avons dénombré, au début de 1993, 397 bureaux différents qui se chargent, exclusivement ou notamment, de recrutement, de sélection ou de sélection de cadres. (Ce chiffre peut être comparé avec le résultat d'un comptage effectué par le Ministère flamand de l'Emploi et du Travail; il est vrai que ce comptage a abouti a un total de 371, mais il incluait également un certain nombre de cabinets d'outplacement et comportait de nombreuses erreurs, certains bureaux ayant été comptés deux fois). De nombreuses organisations de ce secteur trouvent ce chiffre quelque peu élevé. Elles-mêmes estiment être environ 200. Afin de mieux cerner ce secteur, nous avons sélectionné au hasard 60 bureaux. Nous les avons contactés par téléphone pour leur demander s'ils étaient prêts à prendre part à notre enquête.

Finalement, 33 bureaux ont accepté de répondre à nos questions. Celles-ci avaient principalement trait aux activités du secteur au cours de l'année 1992. Nous avons discuté des résultats de l'enquête avec un certain nombre de personnes actives dans le secteur et avons essayé d'intégrer leurs remarques dans l'analyse.

Le taux de réponse relativement bas tient principalement au fait qu'un grand nombre de bureaux étaient "absents" ou "ne pouvaient être joints" et au nombre non négligeable de refus. Ces derniers sont en partie dus au lien entre les activités de recrutement et de sélection et à l'interdiction qui frappe le placement par les organisations privées (traité OIT ndeg. 96 ratifié par la Belgique (AR 28 novembre 1975). Le caractère "illégal" de ces bureaux rend la tâche difficile pour les indiscrets qui cherchent à recueillir des informations sur ce secteur.

L'échantillon a révélé qu'une moyenne de quatre consultants travaillent par bureau. L'enquête montre que les différents bureaux présentent un nombre varié de consultants. Des enquêtes réalisées respectivement aux Pays-Bas et en Allemagne (Caire, 1991 : 15) permettent d'estimer le nombre de consultants travaillant seuls à 30%. La faible représentation dans notre échantillon s'explique par la méthode d'investigation utilisée. En effet, lors d'une enquête téléphonique, les chances de contact sont plus grandes dans un bureau occupant plusieurs personnes et disposant d'une permanence téléphonique, que dans un petit bureau. Par conséquent, il convient de lire les résultats de cette enquête en tenant compte de cet élément.

Sur les 116 consultants que nous avons pu interroger, les trois quart on suivi une formation universitaire : 29% sont des économistes, 31% des psychologues et 18% sont porteurs d'un autre type de diplôme. En dépit de l'accent que mettent bon nombre de bureaux de recrutement et de sélection sur le caractère spécialisé de leurs activités, force nous est de constater que seul un petit tiers a reçu une formation de psychologue. En outre, 14 (!) des 32 bureaux fonctionnent sans psychologue. Les bureaux qui se chargent exclusivement de sélection de cadres présentent une proportion différente. Dans ces bureaux, ce sont surtout l'expérience professionnelle et la connaissance du marché de l'emploi qui seraient déterminantes. Les psychologues n'y seraient que peu ou pas engagés.

Les bureaux de recrutement et de sélection sont à considérer, dans l'ensemble, comme un phénomène récent. L'échantillon révèle que l'explosion du nombre de bureaux qui se chargent de recrutement et de sélection doit être située dans la seconde moitié des années 80. Entre 1985 et 1990, le nombre de ces bureaux a doublé. Leur lieu d'implantation privilégié est Bruxelles (50%), viennent ensuite Anvers et Gand. Il est étonnant de noter la quasi absence de ces bureaux dans la partie wallonne du pays. Ce phénomène est principalement lié à la structure économique de la Wallonie (basée sur de grandes industries traditionnelles). Non seulement ces industries auraient moins besoin d'un soutien externe en matière de recrutement et de sélection, mais les entrepreneurs wallons se tourneraient davantage vers les prestataires de services bruxellois et ce, contrairement à la Flandre où les entreprises généralement plus petites s'adressent davantage à des services locaux.

Combien? Lorsque la discussion s'oriente vers les chiffres et les prix, la franchise des bureaux interrogés s'amenuise sensiblement. Les bureaux de l'échantillon estiment eux-mêmes le chiffre d'affaires de l'ensemble du secteur dans une fourchette de 0,5 à 3 milliards BEF. Sur la base des données de l'échantillon, nous avons conclu à un chiffre d'affaires moyen par bureau de 13,6 millions BEF. Deux remarques importantes viennent toutefois relativiser (sérieusement) ce chiffre. Il s'agit, d'une part, du fait que le nombre de bureaux à un consultant n'est absolument pas représenté et, d'autre part, du fait que la portion du chiffre d'affaires des activités liées au recrutement et à la sélection de personnel n'est pas clairement déterminée. Nos connaissances nous permettent d'avancer une estimation se situant entre trois et quatre milliards BEF, pour l'ensemble du secteur du recrutement et de la sélection (à titre de comparaison, aux Pays-Bas, l'ensemble du marché du recrutement et de la sélection est estimé à 4 milliards NLG - 80 milliards BEF - pour un nombre total de bureaux estimé à 800).

Selon notre échantillon, l'entreprise qui s'adresse à un bureau paie 141.000 BEF pour une mission de recrutement et de sélection et 440.000 BEF pour le recrutement d'un cadre.

A la valeur de ces chiffres, il faut ajouter les remarques suivantes. Premièrement, le contenu d'une mission de recrutement et de sélection n'est pas clairement défini. Les étapes du processus de recrutement et de sélection qui doivent être accomplies par le bureau sont décidées en accord avec l'entreprise qui confie la mission à ce dernier. Selon le degré de difficulté et l'importance de la mission, un certain prix est déterminé. Deuxièmement, ces prix d'achat sont calculés sur la base du nombre de missions confiées et du chiffre d'affaires. Enfin, il est totalement impossible de savoir si les informations données correspondent bien à la réalité.

Qui ? Vingt-sept des trente-trois bureaux nous ont fourni davantage d'informations au sujet des utilisateurs de ces services de recrutement et de sélection. Nous avons appris que ces utilisateurs sont principalement des organisations privées (95%). Environ la moitié d'entre elles sont des sociétés anonymes belges; 40% sont des multinationales. Si l'on répartit ces entreprises en fonction de leur taille, on aperçoit qu'un petit tiers d'entre elles occupent moins de 50 travailleurs. Si l'on y inclut les entreprises qui occupent entre 50 et 200 travailleurs, on atteint 70%. Ce grand nombre d'entreprises relativement petites - nous nous étions attendus à ce que les plus utilisateurs soient les grandes entreprises (+200 travailleurs) - s'explique, selon nous, par l'impossibilité pour une petite entreprise de développer un véritable service du personnel capable de sélectionner et de recruter des travailleurs. Une autre explication peut résider dans le fait que les entreprises de plus petite taille ont un rayonnement et une force d'attraction moindres sur le marché de l'emploi et sont dès lors obligées de faire appel à un tiers actif pour trouver de la main-d'oeuvre appropriée.

Nous n'avons pu examiner le profil des candidats : les bureaux n'étaient pas en mesure de fournir une statistique détaillée sur le niveau de fonction ou le secteur des candidats.

Par contre, nous avons pu étudier dans quelle mesure les demandeurs d'emploi font appel aux bureaux de recrutement et de sélection. Au cours de 1992, une moyenne de 1300 personnes par bureau ont introduit une demande auprès de l'un de ces bureaux. Selon la notoriété et la taille du bureau, ce nombre varie entre quelques centaines et quelques milliers. La grande moitié des candidats se sont présentés en tant que demandeurs d'emploi inoccupés, tandis que le reste souhaitait passer du poste qu'ils occupaient à un autre, via un bureau de recrutement et de sélection. Le premier et le deuxième groupe se composent tous deux de travailleurs diplômés de l'enseignement universitaire ou supérieur (90 %). En ce qui concerne leur âge, les demandeurs d'emploi occupés ont entre 25-35 ans, tandis que les demandeurs d'emploi inoccupés se répartissent pratiquement de manière égale dans les différentes tranches d'âge.

Nous pouvons définir le "headhunting", la sélection de cadres, comme une forme de recrutement et de sélection qui se distingue par son propre groupe-cible et sa propre méthodologie. Les chasseurs de têtes ne s'adressent pratiquement qu'à des profils exceptionnels afin de pourvoir certains postes (élevés) de cadres. A cette fin, la candidat est recherché d'une manière confidentielle et directe. Le profil établi est recherché et invité à prendre en considération la proposition de l'entreprise qui offre le poste. Le prix d'achat d'une recherche de cadre est calculé, en fonction du degré de difficulté, sous forme de pourcentage (généralement 33%) du futur salaire annuel brut du candidat. Si l'on y ajoute un certain nombre de frais, on peut compter sur un prix minimum de quelque 800.000 BEF. Il est à noter que ces groupes ne sont pas belges. Leurs utilisateurs sont principalement de grandes entreprises industrielles multinationales.

Tendances. Etant donné les énormes difficultés que connaît le marché de l'emploi, il est évident que le monde du recrutement et de la sélection traverse des temps difficiles. Par ailleurs, l'explosion du nombre de bureaux qui s'est produite au cours de la seconde moitié des années quatre-vingts a fortement limité la marge de manoeuvre des bureaux individuels. L'analyse des résultats de l'enquête révèle, en outre, qu'il n'y a pratiquement pas d'entreprise qui attribue un rôle structurel aux bureaux de recrutement et de sélection dans leur politique de recrutement. Ces bureaux demeurent, dans une large mesure, dépendants des entreprises qui consomment les services offerts. Notre échantillon a fait apparaître trois stratégies différentes qui peuvent permettre aux bureaux d'échapper à cette dépendance.

La première stratégie est l'extension des services proposés. Afin d'assurer sa survie, un bureau de recrutement et de sélection essaie d'offrir d'autres services. Dans notre échantillon, nous avons principalement remarqué la combinaison avec la guidance professionnelle, la formation et/ou la sélection de cadres. La combinaison de différents services permet au bureau de disperser quelque peu ses risques et de jouer différents atouts. Les combinaisons avec le travail intérimaire ou l'outplacement sont interdites par la loi. Il reste à savoir dans quelle mesure l'extension des services proposés peut être considérée comme une stratégie volontaire. Nous avons plutôt l'impression que bon nombre de bureaux de recrutement et de sélection ne savent pas très bien à quel saint se vouer et tentent dès lors, avec acharnement de réaliser leur potentiel de connaissances en déplaçant leurs activités.

Une petite minorité a opté pour la seconde stratégie : le recrutement et la sélection purs et simples. Ces bureaux se sont spécialisés dans un segment particulier du marché de l'emploi (ex. les informaticiens) ou dans un certain type d'utilisateurs (uniquement les PME du secteur alimentaire, par exemple). Les connaissances très spécifiques doivent permettre au bureau de conserver une certaine indépendance par rapport aux utilisateurs.

La troisième stratégie possible que nous avons relevée est la combinaison des deux précédentes. En effet, les services de certains bureaux spécialisés ne se limitent pas au recrutement et à la sélection. La formation, l'évaluation, voire même des services qui ne sont pas liés au personnel, peuvent également faire partie de la palette proposée.

L'avenir des bureaux de recrutement et de sélection et des bureaux de sélection de cadres dépendra finalement en grande partie de l'évolution économique et du rôle que la société réserve à ces initiatives. La CCT ndeg. 51 du 10 février 1992 et le décret du 3 mars 1993 constituent une première ébauche de l'agréation des bureaux de recrutement et de sélection. Toutefois, cette agréation ne semble momentanément pas signifier que les autorités soient prêtes à intégrer les services de ces bureaux dans une politique de l'emploi d'un nouveau type. Cette agréation peut toutefois constituer un premier pas vers l'attribution, dans le futur, d'un rôle plus actif. La question cruciale qui se poserait alors serait celle de l'éventuelle fin du monopole en matière de placement.

2. Agences d'intérim

L'histoire du travail intérimaire donne un bel exemple de service qui a su passer du stade marginal à celui d'un service capable de se tailler une solide part du marché de l'emploi. La première phase de cette histoire est principalement marquée par la tentative des agences d'intérim (et des utilisateurs) d'obtenir la reconnaissance de cette forme d'embauche par la société. Finalement, ils obtinrent que fût votée la loi sur le travail intérimaire du 27 juillet 1987. Celle-ci prévoyait que, dans un certain nombre de conditions strictes, le travail intérimaire serait reconnu par les différents partenaires sociaux. La phase actuelle est surtout caractérisée par le désir à nouveau commun des agences d'intérim et des utilisateurs, de voir élargir les possibilités d'application.

En 1992, un total d'environ 8 millions de jours de travail intérimaire ont été prestés, ce qui correspond à un travail journalier d'environ 30.000 intérimaires, soit 0,7% de la population active. Le nombre de jours de travail intérimaire a légèrement augmenté par rapport à 1991. A cette époque, et pour la première fois, la courbe de croissance enregistrait une chute de 2,5% par rapport à 1990. Les chiffres de 1993 ne sont pas encore connus, mais tout laisse supposer qu'une nouvelle chute sensible a été enregistrée. En 1992, le chiffre d'affaires du secteur du travail intérimaire était de 41,7 milliards BEF. L'intérimaire moyen est un ouvrier (70%), jeune (70% ont moins de 30 ans), de sexe masculin (60%). Parmi les intérimaires de sexe féminin, les employées et les ouvrières sont engagées en nombre égal.

L'offre. En Belgique, il existe trois types différents d'agences d'intérim : les agences publiques (3), les agences d'intérim privées affiliées à l'union professionnelle UPEDI (49) et le reste des agences privées (42).

Les agences publiques ont été créées dans les services régionaux de placement et de formation professionnelle (VDAB, BGDA, FOREM) et s'appellent les "T-services". Elles ont 32 bureaux dont 12 en Wallonie, 1 à Bruxelles et 19 en Flandre. Dès sa naissance, cette initiative des pouvoirs publics est devenue une source permanente d'exaspération pour les agences privées. Etant donné qu'ils étaient liés aux pouvoirs publics et dispensés d'être agréés, les T-services étaient perçus comme des concurrents déloyaux. Dans le même temps, l'apparition d'agences publiques constituait un pas important vers la reconnaissance sociale et la propagation du travail intérimaire, phénomènes qui devaient également profiter aux agences privées.

L'enquête révèle la manière dont les agences privées et les agences publiques se partagent le marché. On remarque distinctement la diminution sensible de la part couverte par les agences d'intérim publiques. Le net recul du TIV (T-service de Flandre) est le principal responsable de cette perte de part de marché. Il est dû, avant tout, au manque de protectionnisme commercial dont fait preuve le TIV. Une enquête ultérieure fera peut-être apparaître d'autres raisons qui jouent un rôle à ce niveau.

Le marché du travail intérimaire privé est principalement (93%) couvert par des agences membres de l'UPEDI. L'ensemble (49) des membres de cette dernière compte 487 filiales, dont 69 à Bruxelles, 35 à Anvers, 22 à Gent et 21 à Liège. Les autres filiales sont largement dispersées sur le reste du territoire belge.

L'emploi. Le personnel des agences d'intérim est généralement jeune (60% ont entre 25 et 35 ans), de sexe féminin (70%) et détenteur de diplômes de l'enseignement supérieur (principalement de type court).

Les utilisateurs. Nous n'avons traité les utilisateurs que partiellement dans le présent document. Nous avons observé que ce sont majoritairement de grandes entreprises des secteurs traditionnels qui utilisent le travail intérimaire. Le document, paru dans la même série, sur les entreprises interrogées donne plus de détails à ce sujet.

Un profil. Afin de mieux cerner la manière dont les différentes agences d'intérim privées se différencient les unes des autres, nous avons établi un profil, sur la base d'interviews réalisées auprès de 13 d'entre elles. Nous avons ensuite complété ce profil à l'aide de données recueillies lors d'une série d'enquêtes téléphoniques. Les trois principales variables considérées lors de la constitution du profil étaient le degré de spécialisation, l'orientation locale et la mesure dans laquelle d'autres services sont offerts.

L'avenir. En ce qui concerne l'avenir, nous pensons pouvoir distinguer un certain nombre de tendances. Une première irait dans le sens de la spécialisation. Les agences d'intérim se spécialisent plus ou moins dans un ou plusieurs profils spécifiques. Une seconde tendance va dans le sens d'une extension des services proposés. Outre le travail intérimaire pur et simple, d'autres services sont offerts (formation, nettoyage, surveillance, secrétariat social, conseils en gestion des ressources humaines) afin de satisfaire davantage le client et/ou de pouvoir développer une spécialisation plus approfondie. Nous pouvons considérer une extension particulière des services proposés comme une troisième tendance : les agences d'intérim effectuent de plus en plus de recrutements et de sélections. Ce phénomène est dû, d'une part, à une évolution dans l'utilisation (le travail intérimaire sert à prolonger la période d'essai, par exemple) et, d'autre part, à la spécialisation accrue des agences (les porteurs de diplôme de l'enseignement supérieur sont également attirés par les agences d'intérim).

Placement. A l'instar des bureaux de recrutement et de sélection, les agences d'intérim placent, elles-aussi, de nombreux candidats. Il ressort d'ailleurs des différents interviews (voir les cas de présentation) que les agences d'intérim elles-mêmes reconnaissent se charger de placements. La question de la suppression éventuelle de l'interdiction qui est faite aux agences privées de placer des travailleurs, jouera un rôle important dans l'avenir (selon nous, prometteur) de ces agences.

3. Secrétariats sociaux agréés

Qui ? Les secrétariats sociaux agréés ont une longue histoire. Avant la seconde guerre mondiale déjà, un certain nombre d'initiatives patronales avaient vu le jour, elles avaient pour but de soutenir la complexification croissante de l'administration sociale. Dans le pacte social de 1944, le législateur reconnaît ces initiatives en tant qu'instrument dans le cadre d'une bonne politique de sécurité sociale. La tâche d'un secrétariat social agréé consiste à intervenir en tant que tiers entre l'ONSS et l'entreprise. Le secrétariat social peut intervenir, à titre de mandataire de son affilié, pour toutes les obligations administratives en matière de salaires et de données concernant le temps de travail. L'AR du 28 novembre 1969 et celui du 13 janvier 1971, qui fixent les conditions de l'agréation, déterminent le cadre légal. Un secrétariat social agréé est une (1) asbl, créée à partir d'une (2) organisation représentative d'employeurs qui (3) doit avoir un nombre minimal d'employeurs affiliés. En échange des prestations fournies (le calcul des salaires et la spécification des obligations en matière de sécurité sociale), le secrétariat social agréé peut demander une cotisation aux employeurs affiliés (généralement, un pourcentage du salaire brut par salarié traité, souvent aussi une somme forfaitaire liée à l'ensemble des services assurés par le secrétariat social). En outre, le secrétariat social agréé bénéficie des modalités d'exception concernant les délais de paiement des cotisations sociales. D'aucuns contestent ces modalités, sur la base du fait qu'elles permettent aux secrétariats sociaux agréés de placer, pendant un certain temps, des sommes d'argent considérables et, ce faisant, de ne plus respecter leur statut d'asbl prévu par la loi.

Remarquons que les secrétariats sociaux agréés constituent un phénomène unique. Un tel système de tiers mandatés n'est utilisé nulle part ailleurs dans le monde.

Il est intéressant de signaler qu'outre les secrétariats sociaux agréés, il existe des secrétariats sociaux non agréés qui offrent les mêmes services, sans toutefois bénéficier du régime de faveur. Parmi ceux-ci, on trouve les sociétés de services et d'ingénierie informatique qui constituent un grand groupe. Leur part est estimée à environ 15%.

Offre. Il existe en Belgique 41 secrétariats sociaux agréés, qui totalisent 152 succursales. La grande majorité des succursales sont installées en Flandre (118 sur 193 en Flandre, contre 14 à Bruxelles et 60 en Wallonie). Avant de détailler davantage les relations entre les secrétariats sociaux agréés, dressons d'abord un bilan des caractéristiques principales du secteur dans son ensemble.

Caractéristiques générales. En 1991, un total de 146.232 (comptage ONSS du 30/6/91) employeurs étaient affiliés. Ce chiffre correspond à 72,10% de l'ensemble des employeurs. Ces employeurs affiliés occupent au total 1.225.970 personnes, soit 43,36% du nombre total de salariés en Belgique. Si l'on observe l'évolution de ces chiffres, on arrive à la conclusion que tant le nombre des employeurs que celui des travailleurs affiliés à un secrétariat social agréé sont caractérisés par une croissance ininterrompue. Les statistiques révèlent que ce sont surtout de petites entreprises qui s'affilient à un secrétariat social agréé. Nous avons toutefois observé que la proportion de grandes entreprises (> 100 travailleurs) augmente. Cette tendance se poursuivra dans l'avenir, étant donné que les seules possibilités de croissance se situent dans ce groupe. La répartition selon les secteurs auxquels appartiennent les employeurs affiliés diffère peu de la répartition selon les secteurs de l'ensemble des employeurs. La même répartition, effectuée cette fois sur la base du nombre correspondant de travailleurs, fait apparaître que c'est surtout le secteur de l'Horeca et du commerce qui est bien représenté. Le fait qu'il s'agisse d'un secteur principalement composé de petites entreprises n'est pas un hasard. Dans le secteur des services, les secrétariats sociaux agréés sont à nouveau les grands absents. Cette absence s'explique entièrement par le taux d'emploi élevé dans le secteur public. Toutes les provinces, à l'exception de celle de Liège, présentent à peu près le même nombre d'employeurs affiliés. Si l'on se base sur le nombre de travailleurs, c'est la province de Liège et surtout celle du Brabant qui sont sous-représentées.

Détaillé. Afin d'obtenir un profil détaillé des différents secrétariats sociaux agréés, nous avons demandé à l'ONSS de réaliser un certain nombre de statistiques. Sur la base de ces chiffres, nous avons pu obtenir une idée de la manière dont les secrétariats sociaux agréés se partagent le marché.

Il est frappant de constater que les 10 principaux secrétariats sociaux agréés couvrent à eux seuls 80% de l'ensemble du marché. Ces grands secrétariats sociaux agréés ont plusieurs filiales. Toutefois, il apparaît immédiatement que trois d'entre eux absorbent des parts importantes par rapport à l'ensemble des filiales. Au demeurant, deux de ceux-ci sont des secrétariats qui ont le vent en poupe et qui comptent parmi leurs membres un nombre surprenant de grandes entreprises.

A côté des 10 principaux bureaux, on trouve un grand nombre de petits secrétariats sociaux agréés qui ont une, deux ou trois filiales, dont la plupart sont situées dans la partie flamande du pays. Les employeurs affiliés sont répartis de façon étonnamment régulière dans les différents secteurs. Seuls cinq secrétariats déclarent être spécialisés.

L'avenir. Si le petit monde des secrétariats sociaux agréés était, jusqu'il y a peu, caractérisé par un calme relatif, il semble qu'une sérieuse lutte se soit désormais engagée. Les possibilités de croissance limitées au niveau des petites entreprises obligent les secrétariats sociaux à se tourner vers les grandes entreprises et vers les membres des autres secrétariats. La première arme dans cette lutte est l'éventail des services offerts. Il n'est pas rare qu'un secrétariat social agréé offre un éventail de services très large allant d'un certain ombre de services apparentés (fonds d'allocations familiales) à une série de services divers aux entreprises (conseils, recrutement et sélection, assurances,...). De plus en plus, cet éventail de services sert aux secrétariats sociaux à se concurrencer et à se ravir mutuellement des membres. Le développement de l'informatique constitue un deuxième élément important. Les nouvelles technologie permettent de traiter rapidement les données relatives aux salaires et aux durées du temps de travail. L'utilisation plus ou moins importante de l'informatique jouera sans aucun doute un rôle dans la conquête des grandes entreprises. Remarquons ici que bon nombre de petits secrétariats sociaux agréés sont soutenus par le parc d'ordinateurs des grands secrétariats, ce qui modifie de fait les relations décrites ci-avant.

4. Cabinet d'outplacement

Qui ? "Outplacement" est un terme anglais qui désigne l'accompagnement des travailleurs licenciés vers un nouvel emploi. Le phénomène a un certain nombre d'antécédents historiques. Il n'a toutefois percé qu'à la fin de la deuxième moitié des années 1900. En Belgique, il a fallu attendre 1983 pour voir s'ouvrir un premier cabinet d'outplacement. Lorsqu'on parle d'outplacement, il convient de faire la distinction entre l'outplacement collectif (OPC) et l'outplacement individuel (OPI). Dans le dernier cas, une seule personne est accompagnée vers un nouvel emploi. Dans l'autre cas, un groupe de personnes, généralement victimes d'un licenciement collectif, est aidé en tant que groupe. Cette forme d'accompagnement serait moins intense.

L'outplacement est régi par la CCT ndeg. 51 du 10 février 1992 et le décret du 3 mars 1993. Ceux-ci stipulent principalement (1) que l'outplacement est payé par l'employeur qui licencie, (2) qu'il n'est pas une activité de placement et ne peut être combiné à des services apparentés (par exemple, le recrutement et la sélection ou le travail intérimaire) et (3) que les bureaux ont soumis à une procédure d'agréation. Du point de vue juridique, un contrat d'outplacement doit être considéré comme une obligation de moyens. Les cabinets observent cette législation à la lettre. Certains font toutefois exception à la règle. La création d'un bureau public (par analogie aux T-services) éveille la crainte de voir naître une concurrence déloyale.

L'offre. On estime que la Belgique compte une petite trentaine de ces cabinets. Les plus grands se sont unis au sein de l'Association nationale des Cabinets d'Outplacement (ANCO). Cette association compte 9 membres et couvre environ 80% du marché. Afin de mieux cerner les cabinets et leurs activités, nous avons mené une enquête téléphonique auprès de 14 d'entre eux (6 affiliés à l'ANCO, 6 non affiliés, 2 publics). La majorité des cabinets sont installés en région bruxelloise et dans la partie flamande du pays (principalement Bruxelles, Anvers et Gand). Les deux bureaux publics ont débuté leurs activités récemment, dans le giron du VDAB et de l'ORBEM.

Profil. Le personnel d'un cabinet d'outplacement se compose de 10 personnes en moyenne. Ce nombre peut toutefois varier fortement. Plus de la moitié de ces personnes ont suivi une formation universitaire, principalement en psychologie ou en économie. Environ 2/3 sont effectivement actifs dans le domaine de l'outplacement (les consultants). 7 des 14 cabinets interrogés exercent d'autres activités que l'outplacement: ce sont le plus souvent des activités relatives à la formation et à l'encadrement.

Le chiffre d'affaires global pour ces 14 bureaux est de 312 millions (1992); pour l'ensemble du secteur, nous évaluons ce chiffre à 400-450 millions.

Les missions. En 1992, les 14 cabinets de notre échantillon se sont vu confier 733 missions d'accompagnement individuel et 57 missions d'accompagnement collectif (2.350 personnes étaient concernées). Compte tenu du nombre total de bureaux, nous évaluons le nombre total de personnes accompagnées à 3200-3300 pour 1992. Le nombre de missions est donc en hausse. En ce qui concerne le nombre d'accompagnements collectifs, nous pouvons véritablement parler d'une explosion.

Le prix d'un encadrement individuel est généralement calculé sous forme d'un pourcentage (15 % des appointements annuels bruts de la personne concernée), majoré d'une série de frais. Souvent, les cabinets fixent eux-mêmes un minimum. Les cabinets interrogés estiment le prix moyen d'un outplacement individuel entre 280.000 et 340.000 BEF. Un outplacement collectif est généralement calculé sous forme d'un forfait par personne. Le prix dépend des modalités et fluctue entre 25.000 et 175.000 BEF par personne.

Qui ? Les candidats OPI sont généralement de sexe masculin (80%), ils sont porteurs d'un diplôme de l'enseignement supérieur (83% ens. sup. univ./non univ.) et âgés de plus de 35 ans (68%). Le fait que la majorité des candidats soient des hommes est principalement dû au niveau de fonction des candidats OPI. Dans la plupart des cas, il s'agit de fonctions de cadres (supérieurs) dans lesquelles les femmes sont moins représentées que les hommes. Les causes de licenciement sont principalement d'ordre structurel (72%). Les entreprises qui confient les missions aux cabinets appartiennent, le plus souvent, au secteur industriel (chimie, métallurgie, autres). Il s'agit généralement des grandes entreprises, dont 2/3 occupent plus de 200 travailleurs. Dans le cas des OPC, les candidats masculins ne représentent plus que 60%. Le niveau de qualification dans ce groupe est étonnamment bas: 11% sont porteurs d'un diplôme de l'enseignement universitaire ou supérieur. L'âge des candidats OPC diffère peu de celui des candidats OPI.

Plus encore que dans le cas des OPI, les entreprises clientes appartiennent en grande majorité au secteur de l'industrie, dans lequel ce sont principalement de grandes entreprises (50% occupent plus de 500 travailleurs) qui font appel aux cabinets d'outplacement.

L'avenir. On prévoit que l'outplacement prendra encore de l'importance dans l'avenir. Tout comme dans les autres pays européens, il n'a provisoirement fait son entrée que dans une part limitée de l'ensemble des entreprises. Des possibilités de croissance existent sans aucun doute au niveau de l'accompagnement collectif des travailleurs licenciés. La question reste toutefois de savoir quel est le bénéfice réel qu'apporte un accompagnement. Il peut être prudent de définir également un certain nombre de critères sur le plan du contenu, tant au bénéfice de l'employeur qui confie la mission qu'à celui du candidat accompagné. Afin de ne pas laisser l'outplacement devenir la prérogative de quelques personnes, nous nous demandons dans quelle mesure celui-ci peut être formulé comme un droit pour chaque travailleur et non plus comme une "faveur". Par ailleurs, il existe un lien entre l'outplacement et le placement réalisé par une organisation privée. En conséquence, le débat éventuel que susciteront ces points influencera l'avenir de ce phénomène.


CONSIDERATIONS, CONCLUSIONS

Le nombre de services aux entreprises en matière de gestion du personnel s'est développé, au cours des années 80, au point de donner naissance à un secteur à part entière. Ces services sont souvent proposés en réponse à une demande croissante émanant des entreprises.

Mais il ne s'agit là que d'une explication partielle de la diversification et de l'augmentation du nombre de services. Il émane des services eux-mêmes une dynamique et une pensée stratégique qui déterminent également la manière dont le personnel et la politique du personnel sont envisagés. Il est évident que le développement des services en matière de personnel influence à plus de deux niveaux la manière de gérer une entreprise : la flexibilité, la gestion des ressources humaines, la production en flux tendu,... Les entreprises qui proposent des services de gestion du personnel contribuent elles-aussi à un tel type de gestion.

Il nous semble important que les autorités accordent suffisamment d'attention au développement de ces services. Selon nous, un système d'agréation qui lie l'utilisation et l'offre d'un service à un certain nombre de conditions ne doit pas nécessairement constituer un frein. Nous estimons que tant les entreprises qui confient les missions, que les bureaux et les personnes concernées peuvent être protégés par ce système. Par ailleurs, l'existence d'un certain nombre d'initiatives prises par les autorités (outplacement, travail intérimaire) nous semble constituer la meilleure manière de suivre au mieux les mouvements qui s'opèrent sur le marché. Nous somme toutefois d'avis que la mise au point détaillée d'un cadre de réglementation n'a de chances de réussite que dans la mesure où une union professionnelle (suffisamment) représentative peut apporter son aide tant pour provoquer l'élaboration de ce cadre que pour y participer.

Dans l'analyse des services aux entreprises, nous avons souligné, à de nombreuses reprises, le lien qui existe entre ceux-ci et l'activité de placement. Le placement organisé par des agents privés est momentanément interdit en Belgique. La question est de savoir dans quelle mesure une levée éventuelle de cette interdiction entraînerait des changements dans la situation actuelle. Dans un certain nombre de cas de recrutement et de sélection, de sélection de cadres, de missions d'outplacement et de travail intérimaire, nous pouvons assurément parler d'activité de placement. Il n'est pas aisé de déterminer le nombre de personnes qui trouvent un emploi stable via l'un de ces intermédiaires alternatifs. Lors d'une éventuelle discussion sur le thème du placement, différents scénarios peuvent être envisagés et leurs avantages et inconvénients doivent être examinés. Ce qui se passe à l'étranger peut apporter une expérience utile au débat. Nous sommes même partisans d'un système dans lequel une sorte de complémentarité serait développée entre les services de placement publics et privés.

L'enregistrement des demandeurs d'emploi resterait un élément central du système qui permettrait aux divers agents privés d'utiliser les fichiers de données, dans les limites de conditions clairement définies.

A titre de conclusion nous souhaiterions formuler, point par point pour chaque service en particulier, un certain nombre de considérations qui peuvent servir de base à une discussion ou à une enquête ultérieure :

* Le régime de faveur dont bénéficient les secrétariats sociaux agréés en matière de délai de paiement est dépassé, étant donné que l'informatique simplifie sans cesse davantage le traitement des données.

* Ce régime de faveur entraîne pour l'ONSS une perte de capital, étant donné que ce sont les secrétariats sociaux agréés, et non l'ONSS, qui peuvent placer l'argent au cours de cette période.

* Une plus grande compatibilité entre les secrétariats sociaux agréés et d'autres instances informatisées devrait permettre un échange des données plus rapide et plus précis.

* Les employeurs, les travailleurs et les autorités doivent être conscients du fait que le travail intérimaire n'est pas la seule possibilité de mener une politique souple en matière de personnel.

* L'argument selon lequel le travail intérimaire est davantage développé aux Pays-Bas et en France ne veut pas nécessairement dire que le travail est, pour cette raison, moins flexible en Belgique. Nous ne pouvons oublier le fait que, même s'il concerne 2% de la population active, le travail intérimaire occupe une place marginale.

* Les syndicats doivent prendre garde au fait que de telles alternatives soient suffisamment mises à profit par la base des travailleurs; dans un certain nombre de cas, le syndicat d'entreprise applaudirait au travail intérimaire afin de protéger son propre emploi.

* En ce qui concerne "l'effet de transit" (travailleurs intérimaires qui "transitent" vers un emploi stable), nous devons prendre conscience du fait (1) qu'il existe un certain nombre (combien?) de travailleurs qui sont inscris par l'employeur comme intérimaires avec pour seul but un allongement de la période d'essai, (2) que les travailleurs qui "transitent" correspondent à un profil particulier et (3) que les agences d'intérim vont se concentrer de plus en plus sur le recrutement et la sélection.

* Les autorités publiques et les agences d'intérim doivent avoir le courage d'imaginer des formes possibles de collaboration pour réaliser une certaine politique de l'emploi. Personnellement, nous préférons la promotion du placement à celle du travail intérimaire.

* Il est urgent pour les agences d'intérim publiques de faire examiner leurs points faibles.

* L'outplacement ne devrait pas être formulé comme une faveur mais comme un droit.

* Le bénéfice qu'apporte l'outplacement lors de la recherche d'un nouvel emploi n'a pas été suffisamment démontré. Les employeurs qui achètent les missions d'outplacement et les candidats n'ont pas une idée suffisante des chances de résultat : une trop grande liberté est laissée aux cabinets sur le plan du contenu. Des contrats d'outplacement créant une obligation de résultat pourraient remédier à ce problème.

* Le lien entre le placement et l'outplacement est indéniable. A ce sujet, il faudrait permettre une collaboration entre les autorités publiques et les cabinets privés.

* Une évaluation critique des activités d'outplacement devrait pouvoir apporter une réponse aux questions que nous avons formulées dans les recommandations ci-dessus.

* Les bureaux de recrutement et de sélection ne sont pas suffisamment soumis à des critères de qualité. La question est de savoir dans quelle mesure les règles prévues en matière d'agréation peuvent apporter une solution à ce problème. Les codes déontologiques sont insuffisants dans ce domaine. Il est nécessaire d'élaborer un cadre qui prévoirait des droits et des devoirs et permettrait aux candidats et aux employeurs d'avoir un recours.

* Il est à souhaiter que le secteur prenne son sort au sérieux et s'organise en tant que tel. On remarque un manque de précision tant dans le chef des candidats que dans celui des autorités et des employeurs. Par conséquent, les bureaux de recrutement et de sélection n'offrent pas tous la même qualité. Une union professionnelle constituerait un pas dans la bonne direction.

* Le caractère scientifique du recrutement et de la sélection est franchement discutable. La connaissance du marché de l'emploi et un bon esprit commercial semblent être pour le moins indispensables.

* Une spécialisation poussée dans un ou plusieurs profils peut signifier qu'un certain segment du marché de l'emploi n'est accessible, pour les demandeurs d'emploi et les entreprises, que via un intermédiaire. Cette évolution ne nous semble pas souhaitable.

* L'utilisation croissante de la méthode de la "direct search" (recherche directe) pour des qualifications de plus en plus basses est à rejeter impérativement. Elle n'est intéressante ni pour les employeurs, ni pour les travailleurs.

* Il est également nécessaire de débattre du rôle que ces initiatives peuvent jouer dans l'ensemble de la politique de l'emploi. Il va de soi que le placement occupe, lui-aussi, une place d'actualité dans ce groupe.



LA DEMANDE DE SERVICES EN MATIERE DE POLITIQUE DU PERSONNEL

Mme C. Sels, M. P. Arryn, IISA-RIAT


RESUME ET CONCLUSIONS

Dans ce rapport, nous avons tenté de brosser un tableau de la gestion du personnel dans les années nonante et du rôle tenu par les organisations externes.

Nous débutions avec un chapitre théorique, dans lequel les évolutions au sein de la gestion du personnel sont esquissées. Nous avons encadré le terme Human Resources Management et les évolutions qui s'y sont présentées au cours des dernières années.

Ensuite, nous avons traité la question de l'intégration de la flexibilité plus à fond, ainsi que son influence sur la gestion du personnel.

A travers une enquête écrite envoyée à 500 entreprises, complétée par 10 interviews avec des responsables du personnel, nous avons acquis une conception de la demande de services aux entreprises concernées par la gestion du personnel.

Une première constatation importante au sujet de la relation sous- traitance et gestion du personnel, est qu'il y a un rapport évident entre la sous- traitance et la dimension de la société. Les grandes entreprises sous- traitent plus que les petites. D'autre part, il semble que ce sont surtout les multinationales qui confient une partie de la gestion du personnel à un organisme extérieur.

Une seconde subdivision a été introduite selon l'intensité de travail. Il apparait que surtout les industries à main d'oeuvre sous- traitent des tâches de service du personnel.

En croisant les deux subdivisions susmentionnées, il s'avère que surtout les grandes sociétés à fort coefficient de travail sous- traitent le plus souvent. En seconde ligne, suivent les grandes sociétés à fort coefficient de capital. Dans la catégorie des petites entreprises, ce sont de nouveau les sociétés de travail à main d'oeuvre qui font le plus souvent appel aux organismes extérieurs.

En faisant une division selon la présence ou non d'un service du personnel, il est marquant que surtout les sociétés ayant un service du personnel, font appel aux tiers pour leur gestion du personnel. La raison en est que les sociétés sans service du personnel, n'ont pas une gestion du personnel développée.

La plupart des sociétés interrogées remettent actuellement le service du personnel en question et examinent la possibilité de sous- traiter davantage de tâches. Par exemple, on ne garde plus un responsable de sélection et de recrutement en service, car le nombre de nouveaux engagements est réduit. Les quelques embauches qui surviennent encore, sont exécutées par un des membres du personnel restant de ce service, éventuellement avec l'aide d'un bureau de sélection et de recrutement. En même temps, on évalue si d'autres tâches ne seraient pas aussi moins chères si elles étaient exécutées par un tiers. Parmi les sociétés interrogées, se trouve une entreprise qui a décidé de sous- traiter le calcul des salaires et de transformer le service du personnel - qui n'est plus qu'un service de salaires à l'heure actuelle - en un service du personnel plus élaboré.

Nous avons remarqué que dans plusieurs entreprises existe l'intention de sous- traiter. De plus en plus de sociétés remettent leur structure de coûts en question et les tâches qui peuvent être exécutées par des tiers à moindre prix, seront sous- traitées. Souvent cette tendance est imposée par le siège principal.

Quelques-unes ont attiré l'attention sur le fait que faire appel à des tiers est plus flexible que d'engager du personnel. On ne doit solliciter ces services qu'en cas de besoin, tandis qu'autrement on est obligé de garder un travailleur en permanence.

Plusieurs entreprises subissent une restructuration impliquant un délestage. Ce "downsizing" est à l'origine de plus d'appels à des tierces personnes au lieu de garder son personnel propre. C'est ainsi qu'une société licencie son responsable de sélection et de recrutement et qu'elle fait plus souvent appel à un bureau de sélection pour des engagements de plus en plus rares.

Le travail intérimaire est le service le plus ancien et le plus populaire dans la gestion du personnel. Ici encore, se sont les multinationales qui s'en servent le plus. Un travailleur malade ou absent est la raison la plus courante pour faire appel à un intérim.

D'autre part, un bon nombre de sociétés utilise le travail d'intérim comme canal de recrutement. Pas moins de 69,7% estimaient la possibilité d'observer un travailleur à travers le service intérim pendant une période prolongée comme un élément très important.

En comparaison, les bureaux de sélection et de recrutement sont beaucoup moins populaires. Ce score plus bas est dû à la crise économique, qui a causé un arrêt de l'embauche dans les sociétés.

Il est également remarquable que ces bureaux ne reçoivent presque jamais l'entièreté de la procédure. Le plus souvent, ils se limitent à faire passer des tests psycho- techniques ou bien ils font un premier tri des candidats.

La raison principale d'engager un bureau de sélection est la croissance de l'importance stratégique de personnel valable. Nettement plus bas sur la liste apparaissent le manque de temps et une plus forte demande de spécialistes. Une opinion "tierce indépendante" sur les candidats, est également une raison non- négligeable pour sous- traiter à un bureau de sélection et de recrutement.

Par contre, les organisations externes de formation sont plus souvent sollicitées. Leur nombre s'élève à 89 différentes organisations de formation. L'entreprise essaie d'organiser le plus de formations possible dans ses propres locaux, en collaboration avec un entraîneur externe.

La raison principale de faire appel à des formations externes, est le manque de personnel qualifié pour donner une formation spécifique. Une plus grande nécessité de formation et le travail sur mesure fournit par certaines organisations, sont marqués comme élément important dans 72,3% des cas. Et l'indépendance de cet entraîneur externe se révèle tout aussi important.

Les secrétariats sociaux sont très populaires. Plus de la moitié des entreprises (55,8%) est affiliée à un secrétariat social.

Le calcul des salaires est sous- traité en premier lieu; les autres tâches administratives restent souvent dans l'entreprise- même.

La raison primordiale de recourir à un secrétariat social est leur maîtrise des lois sociales. Beaucoup de sociétés belges trouvent la législation sociale trop compliquée à suivre. Chez 97,5% des entreprises, c'est la raison de s'affilier à un secrétariat social.

Le coût est aussi un facteur important. C'est le seul service sur lequel toutes les sociétés sont d'accord qu'il est moins cher de le sous- traiter que de le faire soi- même.

L'outplacement n'est pas souvent utilisé; seules 13 des 79 entreprises l'ont sollicité. La raison principale d'y faire appel est de montrer à son personnel restant que l'on respecte ses employés. L'image de marque de la société est donc à la base de l'engagement d'un bureau d'outplacement.

Le headhunting est sur la même ligne que l'outplacement. 20 des 79 sociétés (26,7%) ont fait appel à un service de headhunting dans la période de 1988 à 1992.

Contracter du headhunting se justifie parce que ce canal offre nettement plus de chances de trouver "the right man on the right place", comparé aux canaux classiques de recrutement; 86,7% des entreprises trouve cette raison importante à très importante.

Le bureau de headhunting sert également à attirer des cadres qui sont actuellement employés et qui ne lisent donc pas les annonces.

Une troisième raison est que ces agences possèdent une banque de données très spécialisée. Et finalement, la demande accrue de spécialistes joue un rôle important.

Deux grands avantages liés à la sous- traitance apparaissent dans l'étude, notamment la possibilité d'engager des experts qu'on ne doit pas employer en permanence et l'utilisation occasionnelle de ce service, uniquement en cas de nécessité réelle.

Le seul désavantage prononcé est qu'une tierce personne est plus éloignée de la société et n'a donc pas une compréhension immédiate des activités de la société et de sa mentalité.

Il est également remarquable que les activités de promotion de certains services ne manquent pas d'effet. C'est surtout le cas pour les organismes de formation et les bureaux d'intérim. Dans le cas de l'outplacement, la réputation du bureau joue un rôle important.


Publications:

Doen, doen doen of doen, doen, doen.
Prof. dr. A. MARTENS, KU Leuven - C. SELS, RIAT, 1994

uitgeput/épuisé

De vraag naar diensten i.v.m. personeelsbeleid.
C. SELS, RIAT