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Analyse critique du succès des mammifères CARNivores durant les premiers AGES (CARNAGES)

Projet de recherche BR/175/PI/CARNAGES (Action de recherche BR)

Personnes :

  • Dr.  SMITH Thierry - Institut Royal des Sciences Naturelles de Belgique (IRSNB)
    Partenaire financé belge
    Durée: 15/1/2017-15/4/2019
  • M.  SPEIJER Robert - Katholieke Universiteit Leuven (KU Leuven)
    Partenaire financé belge
    Durée: 15/1/2017-15/4/2019
  • M.  PEIGNE Stéphane - Museum National d'Histoire naturelle France (MNHN)
    Partenaire financé belge
    Durée: 15/1/2017-15/4/2019
  • M.  FISCHER Valentin - Université de Liège (ULiège)
    Partenaire financé belge
    Durée: 15/1/2017-15/4/2019

Description :

DESCRIPTION DU PROJET

Pourquoi, de nos jours, sommes-nous entourés uniquement par un seul groupe de mammifères placentaires carnassiers – les Carnivora – alors qu’il y a 50 millions d'années, au moins trois autres groupes de mammifères placentaires étaient en compétition avec les carnivores ?

Lorsque nous observons les mammifères placentaires actuels se nourrissant de viande, tous appartiennent au groupe des Carnivora (chats, hyènes, mangoustes, chiens, ours, phoques, mouffettes). Les carnivores sont caractérisés par une grande diversité taxonomique, morphologique et écologique. Ce clade inclut autant des grands prédateurs (lions, tigres) que des espèces semi-aquatiques et aquatiques (morse, phoques à fourrure, loutres), de grands omnivores (ours) ou de petits chasseurs arboricoles (linsangs asiatiques). Toutes ces espèces partagent la présence de dents spécialisées consacrées à la découpe de la viande : les dents carnassières.

Ce caractère, qui peut être retracé jusque chez les Carnivoraformes (Carnivora + parents les plus proches) apparus au Paléocène terminal, est l'adaptation la plus remarquable de ces mammifères.

Lorsque l’on étudie les faunes de mammifères de l'hémisphère nord datant du Paléogène (66-23 Ma), on note la présence de mammifères qui possèdent également des dents carnassières, mais pas aux mêmes positions – elles se situent, au sein de la dentition, plus postérieurement que chez les Carnivora. Ce sont les Hyaenodonta et Oxyaenidae, deux groupes précédemment regroupés au sein des « Creodonta ». Les Mesonychia étaient également des prédateurs adaptés à un régime carnassier ; cependant ils ne possèdent pas de dents carnassières.

La niche écologique de type « carnivore » était donc sujette à une importante compétition au cours du Paléogène. Les paléontologues se sont penchés sur le succès des mammifères carnivores. Pour ce faire, ils se sont concentrés sur le registre fossile nord-américain puisque celui-ci est considéré comme le plus complet au monde. L'analyse de la diversification taxonomique et morphologique a clairement montré que les carnivores ont pris l’ascendant sur les hyaenodontes et les oxyaenidés au cours de l'Eocène, en particulier aux alentours de 50 millions d’années.

Les études portant sur l’écomorphologie de ces taxons ont révélé que les carnivores semblent avoir réussi en raison de la position antérieure des dents carnassières. Cette position aurait permis aux dernières molaires d'évoluer dans différentes directions, ce qui a conduit à l’acquisition d’une grande variété de régimes alimentaires.

Les paléontologues ont avancé que ce modèle serait retrouvé en Europe étant donné que l'Europe et l'Amérique du Nord partageaient au début de l'Eocène plusieurs taxons identiques de mammifères carnassiers. Depuis 2006, plusieurs paléontologues de l’IRSNB étudient ces mammifères ; ils ont ainsi clarifié la systématique des représentants de ces mammifères en Europe. En conséquence, la systématique ainsi que les relations phylogénétiques des carnivores, hyaenodontes, oxyaenidés et mésonichyens du Paléogène sont maintenant mieux établies et peuvent être utilisées pour des études plus larges.

Afin de tester l'hypothèse des paléontologues nord-américains, nous avons analysé l’évolution de la richesse spécifique des mammifères carnassiers européens au cours du Paléogène. Etonnamment, notre analyse de la diversité ne montre ni un déclin des hyaenodontes, ni une radiation des carnivores au cours de l'Eocène. Notre étude initiale suggère donc que les résultats de la compétition entre les différents mammifères carnassiers sont diamétralement opposés de part et d’autre de l’Atlantique Nord. Toutes ces observations remettent en question le paradigme sur le succès évolutif des carnivores, et nous amènent à nous demander pourquoi les carnivores, malgré leur « plasticité dentaire », n'ont pas réussi en Europe.

Par conséquent, nous pouvons nous poser deux questions : (1) est-ce que les hyaenodontes européens ont acquis des adaptations qui n'étaient pas présentes chez leurs parents nord-américains ? (2) les hyaenodontes européens possédaient-ils une large gamme d'adaptations alimentaires ?

Nous pensons qu'une analyse portant sur l’évolution de l'écomorphologie des mammifères carnassiers européens permettra de comprendre les causes qui pourraient expliquer le succès des hyaenodontes en Europe. Par conséquent, le projet actuel propose de documenter l'histoire évolutive de l'écologie des mammifères carnassiers qui vivaient sur notre continent pendant le Paléogène. Nous utilisons pour ce faire les trois paramètres habituellement utilisés pour décrire et comparer l'écologie des prédateurs fossiles : la masse corporelle, le régime alimentaire et la locomotion.

Ce projet est basé sur les collections paléontologiques fédérales (IRSNB) et non-fédérales (KU Leuven et Uliège) provenant de la région du Quercy (France) et en collaboration avec le MNHN (Paris). Les localités du Quercy sont intéressantes car elles illustrent la transition d'un monde dominé par des hyaenodontes endémiques à un monde comprenant les premiers représentants européens des carnivores modernes. Cette transition correspond à un changement faunique majeur en Europe connu sous le nom de « Grande Coupure ».

Les résultats de ce projet sont régulièrement publiés dans des revues à fort impact et présentés lors de divers congrès internationaux. Enfin, les bases de données des spécimens étudiés seront rendues accessibles au public via Internet.