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e-Science Connection Séverine Robert

Séverine Robert a étudié la physique à l’Université Libre de Bruxelles où elle a effectué un doctorat en physique moléculaire. Depuis près de 15 ans maintenant, elle effectue ses recherches à l’Institut royal d’Aéronomie Spatiale de Belgique (IASB).

e-S.C. Dans quel domaine travailles-tu ?

Je suis chercheuse en planétologie, experte en spectroscopie et instrumentation spatiale.

e-S.C. Peux-tu être un peu plus spécifique sur les sujets de ta recherche ?

Ma recherche porte sur la caractérisation et la compréhension des processus atmosphériques sur d'autres planètes que la Terre. Je m'intéresse à Mars, Vénus, Jupiter et aux exoplanètes. À l'IASB, nous avons pour mission de proposer des instruments spatiaux qui permettent de déduire différents paramètres atmosphériques, notamment la composition et la température. Concrètement, je participe à la conception de nouveaux instruments spatiaux qui répondent ou répondront à des questions scientifiques fondamentales. Est-ce que Mars a abrité de la vie dans le passé? Est-ce que Vénus est volcaniquement active? Bien évidemment un instrument seul ne peut pas répondre à ces questions. Nous avons une vision intégrée de la suite d'instruments utiles. Je suis juste un petit maillon d'une chaîne gigantesque.

e-S.C. Y a-t-il beaucoup de chercheuses dans ce domaine ?

Historiquement, culturellement, la physique n'est pas un domaine très féminin. Nous n’étions pas nombreuses à avoir fait ce choix après l’école, malheureusement. Pour être honnête, on n’était pas nombreux à nous être orientés vers la physique, peu importe le sexe... Et seulement un tiers des étudiants étaient des femmes. On retrouve le même pourcentage dans l’équipe au jour d’aujourd’hui. Mais je ne me suis jamais sentie isolée dans mon domaine. L'espace, les planètes ou la question de nos origines passionnent et il s’agit d’un domaine transdisciplinaire, dès lors le réseau de collaboration inclut de nombreuses femmes.

e-S.C. Comment s’est fait ce choix ?

Parfois je retrouve les livres de mon enfance et je vois des livres sur les constellations, l’électricité, les phénomènes naturels. A l’école, j’ai été influencée par une prof de math complètement zinzin. Elle était fabuleuse. On faisait des maths à l’intuition, c’était beau. Elle nous a donné physique aussi, pendant une année, en disant qu’elle n’y comprenait rien. J’avais l’impression de découvrir les choses en même temps qu’elle, j’ai adoré ça. La prof de physique suivante a su me garder accrochée sur les deux années suivantes. Toutes les deux, des femmes, peut-être que ça a joué. En tout cas, mon choix était fait.
Pendant mes études de physique, j'ai été captivée par le monde du petit, les particules, les atomes et les grosses bêtes que sont les molécules. J'ai toujours été fascinée par l'espace aussi mais j’étais plus impressionnée, je ne sais pas trop pourquoi – trop grand – plus abstrait mais tellement captivant. Du coup, quand après la thèse, j’ai pu rejoindre l’équipe Planetary Atmospheres de l’IASB, je n’ai pas hésité une seconde. Etudier les molécules dans l'espace! Génial!

e-S.C. Quelles sont les activités concrètes que tu fais ?

J’ai travaillé sur les données de diverses missions planétaires avant de devenir Instrument Scientist de VenSpec-H, l’instrument que nous sommes en train de fabriquer. Cet instrument fait partie de la charge utile de la mission EnVision qui décollera en 2031 pour Vénus. Son objectif est de détecter des variations dans l’abondance de différentes molécules associées au volcanisme dans l’atmosphère de Vénus. Une de mes tâches consiste à m’assurer qu’une fois construit, l’instrument sera en mesure de remplir les objectifs scientifiques que nous nous sommes fixés. Je travaille donc en interaction avec l’équipe d’ingénierie de l’IASB, avec l’équipe de l’ESA ainsi qu’avec les industries belges partenaires du projet. A partir de simulations numériques, je vérifie que les performances de l’instrument correspondent à ce dont nous avons besoin au niveau scientifique. Si ce n’est pas le cas, je retourne vers les équipes d’ingénierie et on cherche un compromis entre leurs contraintes et les miennes. J’adore être à la limite entre la recherche et les applications.

Je suis aussi responsable d'une équipe de 15 personnes, des étudiants et des chercheurs confirmés. Là aussi, je me vois comme le maillon d'une chaîne. Je fais en sorte que chacun se sente bien pour apporter sa pierre à l'édifice. Nous collectons des données, autant que possible, mais elles sont rares puisque ce n'est pas tous les jours que des missions spatiales de grande envergure sont décidées. Cela nous oblige à être intelligents, à tirer un maximum de chacune des missions.

e-S.C. Qu’est-ce que tu aimes dans ton travail ?

J'aime résoudre des énigmes. Lancer des pistes, être à l'écoute des intuitions de chacun, trouver comment rassembler tout ça en une vision cohérente. J'aime aussi m'émerveiller des nouvelles découvertes. J’essaie de me tenir informée des avancées, des différents projets. Nous sommes obligés d’avoir un plan à long terme, préparer les prochaines missions scientifiques mais aussi imaginer l’installation d’humains sur Mars, par exemple. Que pouvons-nous leur offrir pour rendre leur séjour viable?

e-S.C. Si tu avais une baguette magique, qu’est-ce que tu changerais dans ton travail ?

Pas grand-chose. C’est un métier passionnant.
Peut-être que je renforcerais la dissémination vers les écoles. Pour le moment, c’est les élèves intéressés qui viennent à nous, en stage d’observation, souvent des garçons. On devrait penser à aller voir les jeunes à l’école. Cette activité se fait sur base volontaire et selon les opportunités. Elle n’est clairement pas suffisamment soutenue ni valorisée par les hiérarchies. Or c’est dans les écoles que les vocations se dessinent.


1. © IASB
2. Séverine Robert © RTBf
3. © M. De Cock

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1. © IASB
2. Séverine Robert © RTBf
3. © M. De Cock